Cinquième partie : le système vénitien et le monde féodal ?
Afin de pouvoir analyser l’interaction entre le système Vénitien et le monde féodal, il est important de partir de la relation entre économie réelle et économie financière. L’économie réelle comprend le progrès technologique, son évolution et son impact sur la société, alors que l’économie financière comprend les échanges commerciaux et monétaires. Ainsi, La croissance financière doit être représentative d’une progression réelle de la société et non l’inverse. Dans le cas présent, nous allons voir que les profits exubérants des millieux financiers Vénitiens et italiens plus généralement se sont accompagnés d’une dégradation générale de la société, pour ne pas dire qu’ils en furent parfois la cause. Cependant, l’argent n’a, même quand on le croit, aucune valeur intrinsèque et est toujours représentatif de l’activité réelle qu’il représente. Dans les parties qui suivent nous verrons quelles ont été les variations des facteurs déterminant l’économie réelle.
A) L’économie réelle
Pour décrypter l’évolution de l’économie réelle il est nécessaire d’affirmer le principe selon lequel le niveau d’avancement technologique est corrélé avec un certain niveau de densité de population .
L’avancement ou le recul de l’économie réelle est lui aussi corrélé avec le progrès des arts et des sciences.
Ainsi, selon ces critères, on peut voir que, à la période du Moyen-Âge, suite à un long déclin entamé dès la fin de l’Antiquité, l’Europe a vu sa population réduite de moitié jusqu’au IXème siècle, période à la tendance s’est inversée : du IXème siècle, au XIIIème la population a triplé.
Une des cause de cela vient du fait qu’un sursaut s’opère lors du règne des carolingiens au IXème siècle (époque à laquelle certains échanges avait lieu avec le monde arabe).
Cette évolution permise par des décisions politiques et des apports d’orient mène au développement de certaines techniques agricoles comme le défrichement, l’utilisation du cheval de trait et le moulin à eau (inventé au Moyen-Orient). Ces techniques permirent une augmentation des rendements agricoles et une meilleure qualité de production.
Les progrès dans la recherche d’un métal plus solide font que la faux est utilisée pour couper le foin tandis que la faucille est réservée à la moisson. Le collier d’épaules, autorise les bêtes à tirer des charges de plus en plus lourdes. Des ponts en pierre remplacent les ponts en bois. L’utilisation du fumier permet de diminuer les champs en jachère.
D’un autre côté, l’art gothique se développe et permet la construction de nouvelles cathédrales plus grandes, telles que celle de Chartres ou de Rouen. On voit aussi des idées nouvelles véhiculées par François Pétrarque et Raymond de Lulle. Le début du XIIIème siècle voit donc une relative stabilité qui permet d’atteindre 75 millions d’habitants en Europe. Mais, malgré tout cela, l’horizon s’annonce sombre.
B) Les limites de la croissance
Les limites à la croissance sont multiples, mais on peut distinguer un facteur principal qui est lié au degré de culture de l’innovation et de la découverte.
L’assèchement des marais, les défrichements, ont atteint leurs limites, tout comme les rendements agricoles. Les campagnes ne parviennent plus à nourrir la population devenue trop nombreuse. De nouvelles techniques sont donc nécessaires. Mais pour que celle-ci voient le jour, il faut une volonté qui mette en œuvre des politiques de recherche et développement.
Ainsi, un aspect positif de l’époque fut donc le développement des cathédrales : fruit des bâtisseurs et des métiers organisés en corporations complétés par l’argent donné par l’évêque de la région. Elles permettent de mettre plusieurs corps de métiers en commun et de qualifier un certain nombre d’apprentis. Et avant tout, elles permirent d’inspirer une grande partie de la population.
Mais ces efforts vont être fortement contre-balancés par l’attitude du haut-clergé vis à vis d’une population qui a de plus en plus de temps pour penser.
En effet, l’Église médiévale doit affronter toute une série de tentatives de contestations de la Foi. L’Europe chrétienne est alors parcourue de contestations et de revendications qui prennent source dans une piété populaire. Celle-ci reprochant à l’église une déviation de plus en plus marquée vis-à-vis de l’esprit de simplicité qui avait guidé les premiers pas de la chrétienté.
Ces mouvements traduisent surtout une révolte sociale face à la richesse, la dégénérescence, et l’insolence d’un haut-clergé qui a oublié les préceptes fondamentaux du christianisme.
Les Papes de l’époque avaient quelques peu du mal à comprendre les enseignements bibliques. Comme le démontre la débauche et la corruption de certains papes : Léon III, Pascal 1er, Léon IV, etc…
Comportement qui perdurera longtemps puisque même la renaissance italienne n’en vint pas à bout. Les changements venant du haut n’ont donc pas pu voir le jour car ils n’étaient même pas envisagés.
Le haut clergé, tout comme les monarques, jouit de sa position privilégiée et emprunte aux banquiers italiens pour financer leur train de vie désinvolte. Mais cet endettement nécessite une levée de fonds chez les croyants qui vivent dans la misère. Ainsi, au lieu de se remettre en cause, l’Église va renforcer sont pouvoir par la force.
Le danger pour l’Église était considérable car, régulièrement, des « hérétiques » remettaient en cause le socle temporel sur lequel reposent la hiérarchie et le système clérical. Par conséquent, toute forme de pensée nouvelle quelle porte sur la religion, la philosophie, la médecine est durement réprimandée par le système de la sainte inquisition qui se mit en place.
Ce système va être renforcé par la politique des croisades qui visent à faire expier les « infidèles » de leur foi satanique. C’est ainsi que tous ceux qui osent remettre en question l’autorité du Pape se voient refusés le statut d’être humain.
Contrairement à ce que l’on peut penser, la guerre sainte ne sera donc pas seulement menée contre les musulmans mais elle sera aussi menée contre des chrétiens : par exemple, la croisade qui fut menée contre les Albigeois dans le Sud de la France. On peut aussi évoquer les templiers eux-mêmes, qui furent tous torturés et forcés d’avouer l’hérésie avant d’être brulés vifs.
Il est donc évident qu’avec une telle politique, les innovations se firent rares.
En terre sainte, occidentaux et orientaux communiquaient avec leurs boucliers et leurs épées (chose qui devait surement limiter la compréhension mutuelle). Bien qu’il y ait eut une proximité entre occidentaux et orientaux en terre Sainte pendant plus de 200 ans, les échanges culturels ont été faibles. Il y avait pourtant cohabitation dans des villes comme Damas ou Jérusalem. Mais l’autre était stigmatisé ou craint, ce qui limitait grandement le dialogue.
voici des extraits du film Royaume des cieux qui illustre le propos
Par conséquent, les échanges furent principalement commerciaux et opéré entre vénitiens et musulmans, ce qui eut donc pour résultat d’accroitre la tendance usurière du système économique Européen.
Pourtant, comme nous allons le voir, des échanges intellectuels dans les sciences, l’art ou l’agriculture, auraient largement contribué à accroitre la capacité de la société à dépasser les limites auxquels elle faisait face.
Quatrième partie : le génie du monde musulman
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Autant j’ai adoré ton précédent article, autant sur celui-là j’ai beaucoup de chose à redire…