Analyses critiques du Charl(atan)isme ambiant, par Fakir, Les Economistes Atterrés, Attac, Acrimed…
Mercredi 12 janvier 2015, alors que la France entière semblait s’être éc(r)oulée sur ses boulevards dans le flot continu d’une homogène hystérie, de plus petits courants, plus variés mais d’aplomb malgré les vents contraires, décidèrent de se joindre à la bourse du travail pour exprimer leurs dissonances vis-à-vis du flux constant qui déjà immergeait tous les canaux d’information majoritaires dans un bain dogmatique et glacé de soupçons, de stupeur et d’angoisse. A l’initiative du journal d’information alternatif Fakir et du collectif « de l’air à France Inter », rassemblant des auditeurs et des professionnels lassés du peu de représentation des classes populaires dans les émissions retransmises sur les ondes de la radio publique, la grande salle de la bourse du travail fut donc remplie par une assemblée assoiffée de voix discordant du prêchi-prêcha béat des médias.
Ainsi, François Ruffin, animateur de Fakir, commença-t-il par énoncer les éminentes contradictions dont émanèrent, quelques heures après les évènements, les éffluves de bons sentiments dont tout citoyen digne de ce nom avait l’injonction de bien vouloir s’asperger. Deuil artificiel de rigueur, en contradiction totale avec les aspirations des victimes, les confins de l’absurde culminant dans une messe papale en hommage aux rédacteurs de Charlie Hebdo. Curieuse mise en scène pour des athées revendiqués… Une situation dont les nouveaux martyrs laïcs ainsi portés aux nues n’auraient pas eux-mêmes hésité une seconde à se moquer, si depuis un nuage ils avaient pu l’observer ! Évoquant notamment l’affaire Siné, François Ruffin n’hésite pas à souligner l’étrange paradoxe consistant à faire l’union sacrée au nom de ceux qui avaient fait de la division leur nouvelle religion, évinçant leurs propres camarades dans une logique joignant des enjeux de pouvoir politique manifestes. De fait, tous les néophytes de cette étrange religion de la division auraient peut-être besoin d’une petite piqure de rappel concernant l’histoire de Charlie Hebdo …
Religieuse aussi, cette sacrée liberté d’expression, dont il nous est instamment demandé de garder toujours une unanime perception. Mais que s’agit-il au juste d’exprimer ? Obnubilés par la trompeuse souplesse de ses formes, n’avons-nous pas trop complaisamment fait fi du contenu de cette liberté, et de ce qu’exigeait de nous-mêmes sa véritable application, plutôt que son abstraite évocation ? C’est là encore ce que Monsieur Ruffin semble signifier lorsqu’il évoque les dés pipés liant la politique étrangère de notre douce France à la présente actualité. Enfin, il nous fait part de son inquiète intuition concernant les phénomènes de contagion. « Ils ont tué Jaurès » criait-on voilà un siècle avant d’emmener la France aux devants d’un brasier mondial. « Ils ont (presque) tué Charlie » ressasse-t-on aujourd’hui, mais pour courir aux devants de quelle nouvelle folie ?
Emmanuel Vire, membre du Syndicat des journalistes CGT (France Inter-Radio France), témoigne à sa manière de cette absconse absurdité. Avec qui et pourquoi manifester ? Comment signer des pétitions de principe aussi abstraites et vagues que « face à la barbarie, l’unité », avec des individus aussi peu recommandables que Brice Hortefeux … « Charlie Hebdo était en train de crever » nous confie-t-il. Voilà neuf mois, des représentants du journal seraient aller demander l’aide de l’état sans succès. Le martyre aidant, les subventions sont tombées, au rythme des bras de Luz (journaliste de l’Hebdo) qui se serait alors demandé : « qu’est-ce que je vais faire de tout ce blé » ?
L’économiste et philosophe Frédéric Lordon, membre du collectif les économistes atterrés, apporte ses propres analyses, soulevant de nombreuses questions. L’émotion des premiers jours succédant à l’exécution des caricaturistes a favorisé “l’éloge des disparus”, rituel social porté par “le pouvoir de transfiguration de la mort”. Un pouvoir décuplé par l’usage qu’en firent les médias, eux qui ne manquèrent pas “une occasion de se faire la cerise sur le dos de la liberté d’expression”, en collusion parfaite avec les politiques, “experts en l’art de la récupération”. L’opération de communication ne va pas d’ailleurs sans rappeler les intrigues du film Des hommes d’influence (1997, Barry Levinson, avec Robert de Niro et Dustin Hoffmann):
Monsieur Lordon revient sur le sens profond de cette étrange expression: “Je suis Charlie”. Qu’est-ce qu’une telle formule peut bien vouloir signifier ? Il la conçoit comme une métonymie, c’est-à-dire une figure de style ayant pour objet de faire passer une chose pour une autre. En l’occurrence, dans le cas présent, la métonymie “je suis Charlie” semble vouloir faire passer Charlie pour LA liberté, pour LA France, pour LA seule mesure exacte de tout entreprise de subversion légitime …
C’est le journal Libération, comme le note F. Lordon, qui le premier fut chargé de transformer le “je” en “NOUS”, incluant de force dans cette généralité autoritaire tous ceux qui n’en avaient pas autant demandé. Un “nous sommes tous Charlie” qui ne s’écrit pas sans rappeler au philosophe le “nous sommes Américains” brocardé en Une du quotidien Le Monde aux lendemains du 11 Septembre 2001. Une formule choc qui en quelques heures nous a fait basculer dans un régime de commandement, inspirant à l’économiste atterré Lordon ces quelques bons mots: “Bienvenue dans le monde de l’unanimité décrétée et malheur aux réfractaires”; “célébrons la liberté de penser sous l’écrasement de tout dissensus en mélangeant subrepticement l’émotion de la tragédie et l’adhésion politique implicite à une ligne éditoriale”; “défendre la liberté d’expression n’implique pas d’endosser les expressions de ceux dont on défend la liberté”.
Fréderic Lordon se montre particulièrement critique concernant l’attitude de la presse écrite, notamment en ce qui concerne le journal Libération, organisant “avec une publicité aussi ostentatoire que possible l’hébergement de fortune de Charlie Hebdo”; “Libération, ce rafiot vendu à tous les pouvoirs temporels, auto-institué dernière demeure de la liberté d’expression”, ne reculant devant rien lorsqu’il s’agit de donner dans “la surenchère dans le charlisme“. Il note de la part de la presse cette “façon aveuglée de s’extasier sur de l’histoire imaginaire, qui laisse échapper l’histoire réelle”.
Il n’est pas moins critique en ce qui concerne l’attitude la masse “citoyenne” qui s’est ruée dans la rue sans autre forme de réflexion, aux ordres du pouvoir et des médias. “La masse unie est apolitique” rappelle-t-il, ne pouvant s’empêcher d’observer la “remarquable homogénéité sociologique du cortège parisien: blanc, urbain, éduqué“, en déduisant que les dominants ont un peu vite pris leur cas particulier pour de l’universel. Sur ce constat, Frédéric Lordon n’appelle pas à la résignation, mais au contraire, à “refaire de la politique, mais pour de bon”.
L’écrivain et réalisateur Gérard Mordillat, auteur de plusieurs séries documentaires controversées sur l’histoire du christianisme, a pour sa part tenu à afficher sa proximité de toujours avec les dessinateurs du journal satirique. Aussi s’est-il demandé de quoi les exécutants prétendaient-ils venger Mahomet ? “Venger qui et venger quoi” ? Citant l’islamologue Jacqueline Chabbi, G. Mordillat tente de répondre à cette question en invoquant le fait que “Mahomet” signifierait “le loué” ou “le louangé” en arabe. On ne connaîtrait selon lui que peu de choses de la biographie historique du prophète, qui serait rentré dans une dimension légendaire sous l’influence du khalife Abd al-Malik un demi-siècle plus tard. G.Mordillat défend la position de Charlie en arguant que les cultures picturales ottomane ou chiite possèdent elles-mêmes de longues traditions de représentation du prophète. Il situe (peut-être un peu vite …) Charlie Hebdo dans la veine critique que le philosophe Baruch Spinoza exerça vis-à-vis du judaïsme, ainsi qu’Ernest Renan pour le christianisme et Abu Nawas ou encore Al Hajjaj pour l’islam. Monsieur Mordillat conclut son intervention par une vigoureuse apologie de l’athéisme, appelant l’humanité (rien que ça …) à “en finir définitivement avec l’idée de dieu et le fleuve de sang qu’il charrie derrière lui”. Monsieur Mordillat oublie certainement dans son enthousiasme que Spinoza qu’il cite en exemple, pour hérétique qu’il ait été considéré par la communauté juive de son temps, ne se déclara jamais athée, mais avait au contraire une conception bien précise de ce que pouvait signifier l’idée de Dieu …
Julien Salingue, membre de l’association critique des médias Acrimed, nous fait redescendre vers des considérations plus terre à terre en affirmant que l’information la moins couverte par les médias dominants concernait l’interrogation suivante: que s’est-il réellement passé au siège de Charlie Hebdo et pourquoi le temps de la réflexion a-t-il été suspendu au profit du règne de l’émotion ? Il n’hésite pas à qualifier d’indécente et d’indigne l’attitude hypocrite des politiques mettant des journalistes sur écoute, des patrons de presse pressurisant leurs salariés, des éditorialistes à la solde du pouvoir se bousculant chacun leur tour de plateaux de télé en émission de radio pour y verser une larme de crocodile en hommage à la liberté d’expression. “On peut pleurer de tout, mais pas avec n’importe qui” énonce-t-il, recommandant au directeur de l’Express Christophe Barbier de remettre son écharpe rouge pour retourner vendre son journal.
Il émet une critique frontale contre “ceux qui sont pour la liberté d’expression mais expliquent que tout le monde ne peut pas passer à la TV“. Il note les propos édifiants de certains commentateurs tels qu’Olivier Ravanello qui n’a pas hésité à qualifier la marche de “grande opération antiterroriste citoyenne”, ou encore de Michaël Darmon, qui n’hésite pas à dire en direct que “cette nouvelle génération de dirigeants qui n’a pas connu la guerre, mais qui est en train de prendre conscience de sa guerre, la guerre contre le terrorisme”… J.Salingue finit son intervention par une citation du philosophe Daniel Bensaïd, décédé jour pour jour cinq ans avant cette conférence (12 janvier 2010) : “Vous ne voulez plus ni des classes ni de leurs luttes: vous aurez les plèbes et les multitudes anomiques. Vous ne voulez plus des peuples, vous aurez les meutes et les tribus. Vous ne voulez plus des partis, vous aurez le despotisme de l’opinion” (Eloge de la politique profane, Albin Michel, 2008).
Frederic Viale, spécialiste du traité transatlantique (TAFTA ou TTIP) pour le collectif ATTAC, insiste sur le fait que la glaciation de toute critique a des effets dévastateurs dans les champs économiques et sociaux. Alors qu’un vaste mouvement de résistance était en train de se former contre les perspectives oligarchiques de déflation économique et contre la ratification du traité transatlantique (un million de signatures recueillies), les initiatives de diversion médiatique jouent en faveur de la surveillance généralisée, de la répression structurée et du démantèlement progressif de l’état social.
Jean-Pierre Garnier, travailleur social ayant opéré pendant des décennies dans des quartiers dits “sensibles”, met l’accent sur les dimensions structurelles du “lavage de cerveau” intensif auquel se sont livrés les médias depuis le 7 janvier. Les “je suis Charlie” envahissant les écrans des affichages du périphérique parisien, des aéroports d’AirFrance/KLM, de la multinationale la plus puissante au monde (Google !), témoignent selon lui de la collaboration objective du capitalisme international avec la structure autoritaire essayant d’imposer son arsenal coercitif sécuritaire à la population. Mais elle ne vise pas n’importe quelle population. En reprenant les termes de Lordon, J.P.Garnier essaie d’expliquer à la petite bourgeoisie blanche éduquée qui est venue l’écouter que ça n’est pas elle qui est visée par l’agencement de cet arsenal. Selon lui, la population visée, ce sont les trois ou quatre millions de musulmans du territoire français qui a subi des décennies d’humiliation, de discrimination et de harcèlement policier. Il rappelle ainsi que “depuis 1981, plus de 350 jeunes ont été tués par la police française”. Il met en garde ceux qui applaudissaient Gérard Mordillat à tout rompre après son apologie de l’athéisme comme progrès objectif de l’humanité: une immense partie de la population ne supporte plus d’être quotidiennement humiliée. Si rien ne change structurellement pour cesser cette violence physique et symbolique qu’elle subit en permanence, elle ne pourra que se manifester par la violence. C’est à se demander d’ailleurs si le système de domination politique n’attend pas que cela, pour pouvoir justifier un contrôle et une ségrégation militaires de cette population explicitement assumés.
Ces analyses originales furent ponctuées par les interventions de Danielle Simonnet (Parti de gauche), Eric Coquerel (Parti de gauche également) et Gérard Filoche (ancien LCR et PS). Contrairement aux autres intervenants, ces trois habitués des appareils politiques ont décrit la marche du 11 janvier comme un vaste rassemblement populaire bien distinct du carré politique de tête, un rassemblement duquel pouvaient émerger des perspectives potentiellement “révolutionnaires”. Ces trois intervenants se sont prononcés en désaccord avec l’analyse de Frederic Lordon, selon laquelle ce cortège n’aurait été composé que de la petite bourgeoisie parisienne homogène, blanche et cultivée. Il en allait de leur bon droit d’exprimer ce point de vue, comme il en va du nôtre de le considérer comme une cause notable du délabrement substantiel de “la gauche” française contemporaine. Une “gauche” qui préfère dresser les classes populaires à se conformer à ses propres combats, plutôt que d’essayer de comprendre la véritable nature de leurs luttes quotidiennes, elle qui prétend les représenter sans manifestement les côtoyer ni les connaître, elle qui les humilie sans même s’en apercevoir, trop fière qu’elle est de leur propager le message de sa docte ignorance.
Il semblerait que l’archétype de “l’homme de gauche” qui s’est tant gargarisé de rire de tout de mai 68 à janvier 2015 ait oublié de rire aussi de ses propres (im)postures. Aussi conclura-t-on sur cette phrase de Spinoza citée par Lordon: “Si cet homme qui riait de tout revenait en ce siècle, il mourrait de rire, assurément”.
Galil Agar
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Mouais…
Attac ont été les 1er à expliquer clairement en France le TAFTA.
Filoche est quasiment le seul à avoir décortiqué la loi macron.
Ne pas confondre sensibilité individuelle et idéologie de groupe.
Je vous rejoins tout à fait, Yann. Je considère justement que l’on est en droit d’exiger de la part de ceux qui ont conquis un peu de notre estime plus que de ceux dont on considère qu’ils ne la méritent pas. Ma critique est moins une offensive frontale qu’une tentative d’amorcer le débat. Cordialement, G.A.
Merci ^^
J’avoue que je défend le peu de gauche qu’il reste en France.
J’ai des fois l’impression d’être le seul à lire “la décroissance” ou “Fakir”!
Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul à lire ces journaux 😉 . La réflexion de mon dernier paragraphe ne concernait ni Fakir, ni Attac, ni Acrimed. Elle concernait les habitués des appareils politiques (Parti de Gauche) qui récupèrent mécaniquement les causes en cours de route sans se remettre en question. En ce qui concerne Gérard Filoche, effectivement, il fait un excellent travail et il l’a payé en se faisant éjecter du PS. Ceci dit, je vous donne un avis qui n’engage que ma personne: je le pense victime de sa propre naïveté, dont il détermine lui-même la généalogie durant son intervention. Il croit encore au mythe de mai 68, et je pense que c’est cette croyance qui le mena avec toute la sincérité du monde dans les rangs de la LCR puis du PS, et qui le mène à penser aujourd’hui qu’il y a quelque chose à tirer des manifestants du 11 janvier politiquement. Sa grille de lecture me paraît irrémédiablement bloquée dans le passé, de ce point de vue. Ce qui n’enlève rien à la qualité de son travail sur des dossiers bien précis.
Par ailleurs, je perçois dans les réactions de Mme Simonnet et de M.Coquerel du Parti de gauche une difficulté latente à saisir que l’acharnement contre l’islam vise précisément les classes les plus défavorisées socialement dans notre pays, comme l’explique Jean-Pierre Garnier. Ils se font les apôtres d’une laïcité fantasmée, calquée sur le logiciel de 1905. Dans les textes, il y a de très bonnes choses en ce qui concerne le principe de laïcité (à condition qu’ils soient respectés …).Tou le problème est celui de l’interprétation que l’on en tire … Ces deux personnes semblent assimiler les Français musulmans de 2015 aux catholiques du début du siècle dernier. Aussi me donnent-ils l’impression, à l’image de Gérard Mordillat, de vouloir “libérer” les musulmans de l’islam afin de les initier à leurs propres combats soci(ét)aux. Ils me semblent s’inscrire dans la perspective positiviste du XIX° siècle selon laquelle l’être humain devrait s’affranchir de ses croyances religieuses pour pouvoir s’affranchir socialement et découvrir tous les bienfaits de la modernité. Comme si la sécularisation désignait le chemin historique “logique” à arpenter nécessairement pour donner à l’homme les conditions d’un “avenir radieux”. Je rejoins en ceci la critique de Fréderic Lordon: je pense que cet idéal est typique d’une petite bourgeoisie blanche éduquée qui pense savoir mieux que tout le monde quel est le chemin de l’émancipation, et qui prétend montrer la voie à ceux qui ne seraient pas allés aussi loin sur le chemin de la sagesse. La “gauche” qui s’exprime ainsi n’a sur ce point pas la moindre divergence avec les apôtres d’un certain libéralisme. C’est d’ailleurs sur ce consensus positiviste que la “gauche” fit alliance avec l’idéologie du “progrès” sous la III° République (comme l’explique, entre autres, Jean-Claude Michéa), et qu’elle entama le dessein impérialiste de la colonisation sous couvert d’un universalisme bienséant (typiquement Jules ferry). Pour cette gauche-là peu importent les aspirations des Français musulmans, quand bien même constitueraient-ils le socle majoritaire du sous-prolétariat que le FdG serait sensé défendre. Pour bénéficier d’un adoubement de la “gauche”, les musulmans ont l’injonction de se plier à une interprétation outrancièrement laïcarde de la laïcité. Tel est le discours (à peine) sous-jacent que je perçois dans les interventions de Mme Simmonet, Messieurs Coquerel et Mordillat. Dans l’une de ses interventions, François Ruffin exprime une inquiétude: que l’analyse politique et sociale des événements soit peu à peu remplacée par une analyse théologico-sociétale. Autrement dit, que les analyses du terrain politique et économique des événements soient prises en otage par des “diversions” religieuses et pseudo-culturelles. Personnellement, je pense que l’analyse économique et sociale ne peut se passer de considérations sur la manière dont la culture et la religion sont manipulées géopolitiquement à des fins de stratégie globale. Selon moi, une grande partie de la “gauche” en est restée au stade d’une critique marxiste de la religion ( d’ailleurs beaucoup moins subtile que la lecture qu’en donnait Marx lui-même). De ce fait,je pense que la gauche française devrait se poser frontalement la question de son rapport aux religions, afin de les appréhender (enfin !) -en bien ou en mal- comme des forces sociales de premier ordre. Reconsidérer les dimensions culturelles et religieuses des stratégies géopolitiques globales qui déterminent (souvent inconsciemment) nos conceptions du monde peut nous permettre d’en saisir avec plus de finesse les ressorts, et permettre également à des individus de bonne volonté de ne pas se laisser embarquer dans des combats contraires à ceux qu’ils pensaient mener. C’est à mon sens l’une des vocations prioritaires du Cercle des Volontaires.
Excusez-moi, j’ai rédigé un peu vite: … que le FdG serait censé et non “sensé” défendre.
Hey un article dans l’article ^^
Très vrai! Je pense aussi que c’est ce rapport de la gauche à l’islam (qui n’a rien à voir avec le catholicisme de 68) qui fait que les catégories populaires musulmanes désertent ces parties (voir “islamophobie ou prolophobie?” du monde diplo).
Arpès il faut avouer aussi que le FDG ou autres remettent en perspective un lutte des classes qui tends depuis un bon moment déjà à être horizontal, du tous contre tous.