Qui veut la peau de l’€uro ? Par Sylvain Baron
Sylvain Baron est un citoyen très actif sur Internet. A l’origine de plusieurs initiatives, il travaille en ce moment sur le projet d’un journal papier intitulé Poil à Gratter, qui sortira sur Bordeaux dans les mois qui viennent. Cet article a été rédigé le 28 décembre 2012
Qui veut la peau de l’Euro?
Ce n’est pas sur le Cercle des Volontaires, journal citoyen en ligne, que je vous apprendrais qu’il y a un monde entre ce que les grands médias de masse diffusent comme “information” et la réalité du terrain. Ceci est valable pour les questions économiques, européennes ou encore géopolitiques.
Le sens critique de la population est clairement altéré par une presse de propagande aussi libérale qu’européiste. Une brève analyse de notre société permet néanmoins de déceler ce que pensent réellement les français, malgré la censure et les logorrhées de ces incapables de Alain Minc et Jacques Attali, des “chiens de garde” censés représenter les vues économiques de la “France d’en bas”.
Tout d’abord, dressons un bref tableau de la population française. Nous verrons notamment en quoi la répartition des âges, mais aussi des sexes – navré mesdames… – joue un rôle dans la compréhension des questions européennes.
Selon l’INSEE, sur une population de 65 millions d’habitants, plus de 15 millions ont moins de 20 ans, et près de 11 millions ont plus de 65 ans. La population active française est donc composée d’environ 37 millions de citoyens.
Avant d’aller plus en avant dans la démonstration que je souhaite faire ici, évoquons deux constats. Premièrement, les français âgés de 20 ans et moins sont, pour les plus âgés d’entre eux, nés à l’époque de la ratification de Maastricht. Les autres n’ont pas ou peu connu l’usage d’une autre monnaie que l’Euro. Deuxièmement, à l’inverse de la pyramide des âges, les seniors ont soutenu l’idée de “construction européenne” au travers des candidats qu’ils ont élu au cours des scrutins successifs. Candidats promus par les grands médias façonnant l’opinion, comme je vais tenter de le démontrer.
Pour un bref aperçu du conditionnement politique de la population, portons notre attention sur les résultats du premier tour des élections présidentielles de 2012. On peut tout d’abord constater que 9,44 millions de français ont préféré vaquer à d’autres occupations plutôt que de participer à la mascarade politique actuelle. Cela représente un cinquième des électeurs, un chiffre qui vient questionner la légitimité de ce scrutin. Cette pratique touche principalement les jeunes actifs, contrairement aux “40 ans et plus” qui ont eux largement participé au premier tour de la présidentielle.
A défaut d’avoir trouvé des chiffres permettant de détailler exactement les résultats par profils sociaux pour le premier tour de l’élection, nous nous contenterons d’une maigre analyse statistique de la T.N.S Sofres pour évaluer ces résultats :
33% des hommes; et 27% des femmes interrogés affirmaient avoir voté pour Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon au premier tour. Le Front National et le Front de Gauche représentant les plus “fervents opposants” aux traités européens, cette étude semble montrer que les hommes choisissent plus volontiers “la prise de risque politique” que les femmes.
Ce sondage révèle aussi une profonde mutation de la pensée politique en France puisque les 18-34 ans représentent 47 % de l’électorat de Madame Le Pen, soit des chiffres d’un niveau égal aux intentions de vote pour Nicolas Sarkozy et François Hollande réunies. Monsieur Mélenchon, pour sa part, a un portefeuille de voix varié puisque toutes les tranches d’âges sont représentées à hauteur de 10 % environ :
A l’inverse, les plus de 50 ans délaissent ces partis politiques “bousculant” l’ordre établi pour se retrouver à plus de 63 % d’intentions de vote pour Nicolas Sarkozy et 58 % pour François Hollande au second tour. Il semble que les jeunes et les anciens ne soient pas exactement sur la même longueur d’onde s’agissant des choix politiques pour l’avenir… de la jeunesse !
En clair, la jeunesse “n’emmerde” plus le Front National. Cependant, lui accorde-t-elle un vote d’adhésion, ou bien un vote stratégique ? Bien sûr, les questions de violences urbaines et d’immigration ne peuvent laisser insensibles des jeunes français qui vivent massivement dans les grandes agglomérations, mais il y a peut être autre chose derrière cela.
La puissance de feu qu’est internet.
Si Nicolas Dupont-Aignan a jouit d’un minimum d’audience médiatique (malgré une diabolisation de sa lutte anti-euro), celui-ci revendique un électorat très important parmi la jeunesse. Il en va de même pour François Asselineau, homme politique censuré par l’oligarchie médiatique mais qui connaît un essor formidable grâce aux réseaux sociaux et aux médias alternatifs (merci le Cercle).
Puisque Monsieur Mélenchon se contente de dénoncer les traités européens sans jamais dénoncer le symbole qu’est l’Euro – contrairement à Madame Le Pen, M. Dupont Aignan et M. Asselineau – on peut postuler que la jeunesse ne veut pas seulement la peau du Traité de Lisbonne mais bien aussi celle de la monnaie commune. Si ce cher Jean-Luc voulait bien retirer son tablier pour écouter un peu plus sa “base”, il ne se contenterait pas de 24 % d’électeurs dont la moyenne d’âge oscille de 18 à 34 ans. Il irait chercher “avec les dents” le même électorat chez Madame Le Pen, laquelle fait plus du double de voix sur la jeunesse en taclant la monnaie commune.
Or, nous savons que l’outil internet est largement plébiscité par les plus jeunes. Ainsi, dans une étude T.N.S Soffres datant de février 2010, on apprend que 72% des 15-34 ans considèrent qu’internet est une une source d’information importante pour eux. Ce chiffre décroît en fonction des tranches d’âge puisque les 35-59 ans lui attribuent une confiance à hauteur de 57%, et que les plus de 60 ans ne sont qu’une petite moitié à considérer internet comme un bon outil pour s’informer.
Si l’on juxtapose ces données avec une autre étude statistique du même institut, cette dernière précise en 2011 que si les moins de 35 ans s’informent à 50 % sur internet, ils ne sont plus que 18 % chez les plus de 35 ans. Cela signifie par opposition que les médias traditionnels restent privilégiés pour les plus de 35 ans alors que les jeunes les délaissent. Malheureusement, ces chiffres restent imprécis. Contentons nous de faire quelques observations plus générales qui n’ont pas besoin de chiffres, simplement d’un peu d’analyse de comptoir de la France d’en bas, car je revendique ma petite part de sagesse de prolo :
Les plus âgés ont connu directement ou indirectement la Seconde Guerre mondiale. La “construction européenne” signifie pour eux la voie la plus logique de la paix. Ce sont aussi nos anciens qui ont connu les Trente Glorieuses, et ceux qui regardent le plus massivement la télévision, ne serait-ce que par ce qu’internet représente pour nombre d’entre eux un outil relativement complexe à aborder, alors qu’écouler une retraite paisible en suivant passivement des programmes de télévision est beaucoup plus “reposant” pour l’esprit. Au vu de la propagande, on comprend mieux pourquoi nos aînés sont les plus confiants envers l’euro, quand les plus jeunes rejettent cette devise. Et comme nos anciens détiennent 80 % de l’épargne en France, leur confiance au système n’en est que plus renforcée puisqu’ils considèrent que le Traité de Rome ne les a pas empêché de jouir de l’essor économique de la France (qui ne doit pourtant rien à l’Europe). De plus, une sortie de l’euro avec une légère dévaluation du nouveau FRANC induirait pour eux une dépréciation de leurs capitaux épargnés. Pas folles les guêpes, même si l’on n’emporte pas dans la tombe l’argent que l’on se refuse de dépenser.
Soyons “professionnels” et citons une dernière étude à ce sujet :
Le sondage Ifop-France soir sur “les Français et la sortie de l’euro” publié en janvier 2011 précise que la génération Maastricht (18-24 ans) souhaite la réintroduction du FRANC à hauteur de 22 %, quand la génération qui lui succède (les 25-34 ans) se revendique hostile à la monnaie commune à hauteur de 36 %. Et plus intéressant encore, on constate que la France qui a eu le temps de faire le constat sur les hypothétiques bénéfices du traité de Maastricht (les 35-49 ans) et les traités qui ont suivi, est hostile à l’euro à hauteur de 38 %. La confiance en la récupération de notre monnaie s’effondre ensuite jusqu’à atteindre 13 % à peine pour les plus de 65 ans.
Cette étude est intéressante à plus d’un titre car, à la question de la proximité politique des personnes interrogées, 52 % des sympathisants du Front de Gauche se déclarent hostiles à l’euro. Les électeurs du P.S se déclarent eurosceptiques à 24 % alors que l’UMP, qui pour rappel a fait ses plus gros scores chez les plus âgés, bat un record d’europhilie avec seulement 9 % de sympathisants favorables au retour au franc. La petite explication sur le positionnement à l’extrême droite ultra-libérale des anciens est certainement liée à la croyance infondée que le teigneux Sarkozy incarnait la continuité du Gaullisme pour les plus âgés des Français, et pour la génération des soixante-huitards (déjà à la retraite), la continuité du pseudo-libéralisme qu’ils chérissent tant.
Quant à vous mesdames, vous serez navrées (ou non) d’apprendre que selon cette étude, vous êtes les plus conservatrices vis à vis de la doxa monétaire actuelle. 25 % des interrogées ont émis le souhait de revenir au franc lorsque 31% des hommes, plus remontés politiquement, souhaitent abandonner l’euro.
On pourrait expliquer cela par différentes explications sociétales comme la maternité en plus du travail, des courses et peut-être, oserais-je ajouter le shopping que les femmes préfèrent bien souvent à la politique contrairement aux garçons. (Vous pourrez m’insulter d’affreux macho dans les commentaires, je m’en remets à celles qui me connaissent réellement pour me dédouaner sur la question).
Plus sérieusement, nos anciens ne veulent pas écouter leurs enfants et petits-enfants qui sont pourtant l’avenir de la France. La plupart des Français qui ont compris les dégâts considérables causés à la Démocratie autant qu’à l’économie par la “démolition européenne” de notre pays sont donc globalement jeunes, plutôt à gauche (et non pas à l’extrême-droite comme les médias voudraient tant nous le faire croire), utilisent massivement internet pour s’informer. Si la génération Maastricht semble légèrement hostile à l’euro, il faut comprendre que les 18-24 ans sont dans une tranche d’âge où la conscience politique s’éveille, et où l’on passe plus de temps à étudier le jour, bosser à Mc do le soir avant d’aller faire la fête chez des amis. Bref une période où l’on refait le monde encore timidement avec ses amis. En revanche, la tranche d’âge 25-34 ans représente de jeunes actifs qui ont eu le temps de mûrir un peu plus leur éveil politique et ayant connu l’ère du FRANC, ils n’avaient pas l’impression d’être spécialement racistes lorsqu’ils payaient une baguette 3,50 F à l’époque. Les 35-50 ans ne sont plus tout à fait jeunes, mais travaillent, ont bien compris qu’on leur avait joué de la flûte avec l’euro et n’en sont plus au stade d’éveil politique mais plutôt de résignation face à une oligarchie qui les opprime. Ils restent cependant moins bien informés que les plus jeunes sur les mécanismes exacts de la monnaie et des traités européens car ils privilégient encore le Dieu téléviseur.
Ce sont donc les plus jeunes qui, par habitude de rechercher directement de l’information sur internet, s’éduquent le plus par le visionnage de conférences ou la lecture d’articles plus spécialisés sur ces sujets, afin de dépasser la propagande actuelle. Le sociologue Bertrand Bergier a d’ailleurs constaté que nombre de français ayant cessé de regarder la télévision, sont pour la plupart des adolescents ou des jeunes adultes, cela au profit d’internet encore une fois.
Le 8 décembre 1991, l’U.R.S.S a été démantelée dans la débandade générale. Quelques jours auparavant, tout le système politico-médiatique de l’ex-empire soviétique continuait sa propagande en faveur de l’U.R.S.S. Il semble que nos politiciens et journalistes sont à ce point arrogants et déficients intellectuels, qu’ils ne veulent prendre en compte les leçons de l’Histoire.
Aujourd’hui, avec une France deuxième contributrice de l’Union Européenne et une jeunesse qui vieillit en affermissant sa position anti-euro, il est certain du point de vue sociologique, que contrairement à ce Mario Draghi annonçait, la monnaie commune tout comme les traités sous-jacents partiront en fumée dans un proche avenir.
On pourrait l’analyser du point de vue strictement financier et économique puisque le principe d’argent dette est lui-même en train de s’effondrer du fait même des multitudes de lois votées en faveur de la dérégulation financière et économique, n’en déplaise aux pseudos analystes de BFM qui sont aussi bons en économie que Sarkozy est un pacifiste convaincu.
On pourrait l’observer du point de vue de l’Histoire comme Annie Lacroix-Riz et François Asselineau aiment à le faire remarquer, les empires en Europe s’effondrent toujours.
On sait cependant que le Dollar et le Yuan ont plus de chances de s’effondrer avant l’euro. La monnaie commune pourrait alors devenir un refuge (très bancal) pour les grosses fortunes qui refusent de dépenser NOTRE monnaie dans l’économie réelle. Dans de telles conditions, il est évident que l’euro subirait lui aussi la fin de son règne puisque les marchés asiatiques et américains s’effondreraient brutalement mettant au tapis ce qui nous restait d’exportations possibles comme relais de croissance.
Au final, la seule chance de pouvoir en sortir par le haut, sans crise monétaire majeure (du moins ingérable) ni risque de guerre, c’est bien le démantèlement de l’Union Européenne par la voie politique. Or, à moins d’empêcher nos plus anciens d’aller voter (ce qui ne serait tout de même pas très fair play), le pourrissement de la situation sera durable.
D’où ma question à la jeunesse :
Puisque tu es si bien renseignée, pourquoi tu ne te révoltes pas une bonne fois pour toute ?
Crains tu d’assumer ce que tu sais de ta destinée si tu n’éjectes pas les fous ?
Sylvain Baron
Son blog : http://sylvain-baron.blogspot.fr/
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Merci au “le cercle des volontaire” et particulièrement à Jonathan pour le relai de cet auteur/penseur. Je trouve que l’on “entend” dans ses textes (je suis allé sur son blog, tout est superbe) les différentes idées que l’on a l’habitude de fréquenter dans la dissidence (Asselineau, Chuard, Soral etc..(tiens aurais-oublié JR?)) mais avec quelque chose de plus, comme une musique qui me rapelle le verbe prophétique de Léo Ferre.. quelque chose d’insurrectionnel ?
Tiens je ne résiste pas. Pour le plaisir!
Préface:
http://www.youtube.com/watch?v=fpctccGpyqE
Il n’y a plus rien:
http://www.youtube.com/watch?v=01mZX3F_05A
L’espoir:
http://www.youtube.com/watch?v=iw6gRSm2iNs