Interview de Mariette Darigrand, à propos de son livre « Comment les médias nous parlent (mal) »
Nous sommes allés à la rencontre de Mariette Darrigrand, auteur du livre « Comment les médias nous parlent (mal) » sorti aux éditions François Bourin. Mariette Darrigrand est sémiologue, et sa spécialité est justement l’analyse du discours médiatique. Elle anime également différentes chroniques à la radio, notamment sur France Culture, et sur France Inter. Vous pouvez l’écouter ici commenter les mots phares de 2013, tels que « Colère », « Fiscal », « Allô »…
Nous étions impatient de rencontrer Mme Darigrand, « sémiologue de renom [qui] s’intéresse aux effets destructeurs du langage journalistique sur le moral des Français », et de son livre « s’intéresse au caractère néfaste de l’usage excessif de certains mots dans les médias, qui reviennent de manière redondante, selon une certaine forme de panurgisme aux effets qu’elle juge dévastateurs, et selon les modes du moment. Un thème, donc, parfaitement intéressant et reflet de notre Société. Un révélateur de l’esprit devenu dominant de la Doxa (parole vide, selon le vocabulaire de nos philosophes antiques) face au Logos (parole pleine) », pour reprendre les thermes de Johan Rivalland.
Hélas, nous sommes restés très largement sur notre faim… Cette interview conforte finalement l’analyse de Pierre Bourdieu, selon laquelle on ne peut pas critiquer la télévision à télévision. Il est en effet très difficile à des personnes qui participent à des grands médias (grands par l’audience…) d’avoir une critique exhaustive et sans concession envers ces mêmes grand médias.
Voici nos principales questions :
Cercle des Volontaires : « À quoi est due la perte de confiance des citoyens envers les politiques et les médias ? »
Mariette Darrigrand : « […] C’est faire notre propre malheur que de penser que les autres mentent, complotent, etc. C’est très très très urgent de lutter contre cette vision là du monde […] »
CdV : « Les médias qui nous informent appartiennent majoritairement à quelques gros groupes privés, et donc sont susceptibles de servir ces intérêts privés. N’est-ce pas un problème dans une démocratie, notamment en période électorale ? »
M.D. : « Non, je pense que ce n’est pas une vision qui est aussi manichéenne que cela. Les ‘intérêts privés’ comme vous dites peuvent aussi être des instances démocratiques et éclairantes […] »
CdV : « Aux dernières élections présidentielles, l’ordre d’arrivée des candidats en terme de nombre de voix équivalait très exactement à l’ordre des temps de parole à l’antenne accordés aux candidats… »
M.D. : « Oui, mais c’est pas quantitatif. Celui qui gagne, c’est celui qui est en résonance avec le corps sociale ; c’est le meilleur produit (on est dans un système très publicitaire) […] »
CdV : « Une part de la désintérêt des citoyens envers les médias ne vient-elle pas de la non-représentation d’une partie important de la population (notamment les classes populaires) dans ces médias ? »
M.D. : « Oui, il y a un gros problème de représentativité. Les médias sont une part de ce qu’on appelle l’élite, très très déconnectée des citoyens. Mais justement, internet rétablit quelque chose. Il y a des gens qui créent leurs propres médias […] »
CdV : « Que pensez-vous de la Novlangue largement utilisée dans les médias, mais non décryptée par les journalistes qui pourraient le faire ? »
M.D. : « Il s’agit plutôt d’une ‘Doxa’, d’un discours vide, un ressassement de lieux communs, de vieux clichés […] »
Raphaël Berland
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