Manifestation pro-palestinienne à Paris (19 juillet 2014)
Le samedi 19 juillet 2014 s’est tenue à Paris la manifestation en soutien au peuple palestinien bravant l’interdiction préfectorale, le cercle des volontaires était présent. Deux point de rendez-vous était annoncé, à Barbès, où une grande majorité des manifestants se sont rendus et à gare du Nord. Dans les deux cas les forces de l’ordre étaient présentes en très grand nombre afin de contenir et stopper la tenue du rassemblement. CRS, Gendarmes, BAC et police en civil était sur place bien avant l’arrivée des manifestants. C’est sous grande tension et non sans heurts que s’est déroulée cette manifestation. Le Cercle des Volontaires vous transmet les compte-rendus de ses journalistes présents ce jour-là :
Témoignage de Baptiste
Suite à des troubles provoqués par le groupuscule d’extrême droite sioniste de la Ligue de Défense Juive (LDJ), lors de la manifestation du 13 juillet, le ministre de l’intérieur avait décidé d’interdire la tenue de la manifestation de soutien au gazaouis prévue samedi 19 juillet. L’interdiction de cette liberté fondamentale ainsi que les menaces de prison ferme à l’encontre des manifestants n’ont pas découragé plus d’une dizaine de milliers de personnes de venir exercer leur droit en chantant des slogans tels que “Israël assassin, Hollande complice” ou “enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine“.
Arrivant à 14h30 au métro Barbes Rochechouart, nous comptons déjà plusieurs milliers de personnes et un très important dispositif policier. Nombreux sont ceux qui brandissent des photos des civils morts sous les frappes israéliennes, ou des panneaux sur lesquels on peut lire les inscriptions “I have a dream: Free Palestine“, “Pépé tu as résisté il y a 75 ans, je résiste aujourd’hui“, ou encore “Pour la séparation du Crif et de l’Etat“. De nombreux militants d’associations pro palestiniennes sont présents, comme les gens du BDS (boycott désinvestissement, sanctions contre Israël) ou de l’Union des Juifs Français pour la Paix. Le NPA est le seul parti politique représenté.
Vers 15h15 la manifestation démarre sur le boulevard Barbes, direction Château Rouge où est massé un imposant contingent de CRS. Alors que nous avons parcouru quelques centaines de mètres, nous voyons de loin des projectiles lancés contre les forces de l’ordre et un grand nombre de bombes lacrymogènes lancés par les CRS au milieu de la foule dont l’immense majorité sont des manifestants pacifiques. Nous nous réfugions alors dans un bar plein à craquer qui ferme son rideau métallique. 40 minutes plus tard les manifestants s’étant repliés vers le métro, nous pouvons sortir et quitter le boulevard empreint d’un gaz qui nous déchire les yeux et la gorge. Des affrontements éclatent également dans des rues adjacentes, la situation est extrêmement confuse, nous parvenons à rejoindre le boulevard Rochechouart où nous apprenons par divers témoins qu’un membre de la LDJ a poignardé un manifestant avant de se réfugier derrière un cordon de CRS. Il semble qu’une fois encore, comme lors des incidents de la Roquette, les membres de ce groupuscule ultra-violent aient été couverts par les CRS. Malheureusement nous n’avons pas assisté nous-mêmes à la scène et ne pouvons donc pas confirmer cet incident et la manière exacte dont il s’est produit.
Les échauffourées étant confinés dans un périmètre contrôlé par la police, il ne nous sera pas possible d’assister de près à la suite des événements, nous décidons de quitter les lieux vers 18h30 alors que les incidents ne sont pas terminés…
Témoignage de Jérôme
Un regain de tension annoncé
Ils étaient venus nombreux à Barbès ce samedi après-midi, bravant l’interdiction de cette manifestation de soutien à Gaza sur ordre du Ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve. Les manifestants étaient là pour dénoncer à la fois les massacres actuels d’Israël sur la bande de Gaza, mais aussi la complicité du Président François Hollande, dont la complaisance à l’égard du Premier Ministre israélien Benyamin Netanyahou dans ce communiqué de l’Elysée nous a été dévoilée en début de semaine par L’Humanité.
“Israël assassin, Hollande complice”
Des casseurs oui, il y en avait, nous pouvons les voir sur les images, les affrontements ont été relativement violents, les dégradations importantes. Mais il y avait aussi une écrasante majorité de jeunes hommes et femmes, de mères de famille, révoltées par l’actualité mais non violents. Comme cette jeune femme présente pour dénoncer l’amalgame éculé qui existe encore entre les juifs et la politique d’Israël.
Elle nous indique par ailleurs que des manifestants de confession juive étaient eux aussi venus apporter leur soutien au peuple palestinien cet après-midi. N’en déplaise à Frédéric Haziza, aucun “mort aux juifs” n’a été entendu durant cette manifestation.
Comme on s’en doutait, la manifestation de cet après-midi a tourné à l’affrontement entre jeunes pro palestiniens et représentants de l’ordre. Bruno Drweski a été témoin de cette tension bien palpable cet après-midi, et nous a accordé un bref entretien à proximité des affrontements avec les forces de l’ordre. Triste regain de tension dans ce quartier historiquement populaire de Barbès où de rares représentants de la Ligue de Défense Juive ont tenté sans succès de sortir des tunnels de la station de métro de Barbès, au son de leur taser désormais classique et de quelques engins explosifs. En face, leurs adversaires parmi les plus agressifs et déterminés vandalisaient quant à eux une caméra de surveillance, des infrastructures, ainsi qu’une grille de la station de métro et usaient eux aussi d’engins explosifs.
Et maintenant, on fait quoi ?
Affrontements dont on se serait une nouvelle fois bien passé en plein Paris. Un conflit israëlo-palestinien qui prend de plus en plus de place en France des manifestations étaient organisées dans plusieurs villes de France malgré l’interdiction et surtout un conflit de plus en plus impopulaire avec la montée des violences et dégradations, qui ne déboucheront de toute évidence sur rien de bon, en tout cas pas sur un apaisement des consciences. Pour la classe dirigeante, c’est là encore un aveu d’impuissance et d’incapacité patente à régler une situation explosive.
Vidéo tournée par Jérôme :
Témoignage de Gaël Thibaud
Un dispositif policier impressionnant, quelques individus venus en découdre, certes… Mais les manifestants non violents attachés à leur liberté ont pu défiler, quand-même.
Malgré une interdiction la veille par les pouvoirs publics, les associations ont maintenu en majorité leur appel à manifester contre l’offensive armée d’Israël sur Gaza. Nous nous sommes donc rendus sur place pour voir par nous-même, et avons d’abord été surpris par un dispositif impressionnant de forces de l’ordre, et la ferveur des participants (dont on a du mal à estimer le nombre, peut-être 10 000). Le boulevard Barbès était comble de métro Barbès à métro Château Rouge, et les rues annexes débordaient. Il y avait un gigantesque drapeau palestinien soutenu par des dizaines de manifestants, des drapeaux tricolores, presque toute la foule portait un keffieh en signe de soutien. Les slogans les plus marquants et repris furent :
« Israël casse-toi, la Palestine n’est pas à toi ! »
« Nous sommes tous des palestiniens ! »
« Sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes ! »
« Enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine ! »
« Israël assassin, Hollande complice ! »
Nous avons vu une foule unanime lorsqu’on entendait des propos tels que : « On n’a rien contre les juifs, le problème c’est le sionisme ! »
On dirait que le chantage à l’antisémitisme ne prend pas. Grâce à internet, la foule fait bien la distinction entre son sympathique voisin juif qui n’a rien demandé à personne et l’entité sioniste (Israël et ceux qui le soutiennent dans sa politique actuelle, y compris notre gouvernement français et le Crif), vivement critiquée sur le net pour la poursuite de la colonisation et la répression aveugle sur Gaza. Ce sont bien des jeunes de banlieue qui ont compris cela. Et ce, alors que le gouvernement semble vouloir maintenir la confusion et brandit encore cette carte qu’il ne peut plus jouer. Voyons ce que le peuple a dans la manche…
15h40 : C’est l’assaut des forces de l’ordre
Devant le refus de se disperser, les grenades lacrymogènes et assourdissantes sont tirées, et la police charge. Le cortège se retrouve éclaté dans les rues annexes, les plus malchanceux, pris en tenaille boulevard Barbès, ont assisté à des scènes de guerre civile entre les forces de l’ordre et les quelques-uns qui étaient venus en découdre, au regret de la majorité. Les autres sont remontés notamment rue Poulet, et ont trouvé un autre barrage de gendarmes rue de Clignancourt. Le mot d’ordre est donné parmi ce peloton de manifestants, direction le Sacré-Cœur, et nous les avons suivis. Ils se sont retrouvés une cinq-centaine sur le parvis de cet édifice érigé à l’endroit où débuta la Commune de Paris, au printemps 1871, tout un symbole pour certains sur place. Puis, alors que les forces de l’ordre arrivent, grâce aux téléphones portables un nouveau cortège, rejoint par les autres manifestants dispersés, a ré-entrepris de défiler. Descendant les marches de la Butte Montmartre, semblant s’ébrouer de rues en avenues au gré de la liberté de passage qu’il rencontrait, ce convoi redescendit sur le boulevard Rochechouart, croisant les forces de l’ordre. Il nous a alors semblé que le défilé avait finalement été « toléré ».
Puis gauche sur Magenta, malgré la circulation automobile, la foule passe entre les voitures. Des manifestants jugulaient les quelques débordements suscités apparemment par des provocations, notamment sur la terrasse d’un bar, saccagée malheureusement en moins de 10 secondes. Nous avons assisté à des scènes de solidarité, il y avait de la médiation en direction des plus énervés, il y a eu plusieurs chaînes humaines, pour laisser passer une ambulance pédiatrique notamment, ou protéger les passants affolés. Il y avait beaucoup de musulmans, qui ont repris « Allahu Akbar ! », ce à quoi d’autres personnes a priori chrétiennes dans le cortège convenaient « en effet, Dieu est grand ! ». Ce fut un symbole marquant d’union dans la foi, et de respect entre les cultures en ce jour où les pensées de ces gens s’élèvent vers les victimes de Gaza. La foule se dirigea finalement, via Sébastopol, vers Châtelet. Les gendarmes sont à nouveau au contact, et le cortège s’engouffre sur une grande pelouse. Certains se sont assis, les forces de l’ordre firent un cordon, interdisant toute sortie. Situation qui n’a heureusement pas duré. La fin de la manifestation ayant été annoncée, les forces de l’ordre ont enlevé leurs casques et laissent la foule se disperser au terme d’une longue marche dans Paris.
Il est 19h, explosion de de joie entre ceux qui ont défilé dans le calme ; policiers et manifestants cessent de se craindre, et dans ce contexte, l’apaisement a quelque chose de magique. Ici, sans conscience des débordements dont on entendit parler dès le soir sur de nombreux médias, les hommes et femmes qui sont venus dire leur soutien à la Palestine, leur indignation devant les réactions internationales, et devant cette interdiction de manifester-même, sont repartis libres et satisfaits. 19h15, nous quittons les lieux. Notre Président a déclaré que ceux qui ont voulu braver l’interdiction en assumeront la responsabilité, ils ont au moins la satisfaction de lui avoir arraché la liberté de faire ce qui leur semblait juste.
Bien que des affrontements entre les forces de l’ordre et certains manifestants ont bien eu lieu, on peut le voir grâce aux nombres de témoignages sur place, la majorité des manifestants étaient réunis dans une optique de paix et de justice. Cette interdiction pose de nombreuses questions quant à sa légitimité et à son but. Peut-on à la fois bafouer un des principes fondamentaux de nos libertés et en même temps demander à des milliers de manifestant de se tenir calme et d’obtempérer quand le visage de ce système est lui-même sous tension derrière, armure, casque, bouclier et armes… Comme me l’a confié un jeune prenant part aux altercations « on en a marre de toujours prendre sur nous, un ami à été blessé par une lacrymo, on fait quoi, on continue de se laisser faire ? » cela prouve bien le manque de moyen d’exprimer son mécontentement et la grande frustration ressenti par ceux que l’on nomme « casseur ».
On appelle à ne pas transposer le conflit Israélo-palestinien, pourtant c’est bien ce que les médias et nos élus jusqu’au plus haut poste font sans arrêt, quitte à légitimer les agissements d’un état bafouant les résolutions de l’ONU et des droits internationaux. Une fois de plus, on joue avec la peur de nos citoyens brandissant la menace islamiste, avec les frustrations de notre jeunesse sans jamais leurs donner la moindre réponse à leurs attente. On noie un peu plus le poisson.
Pendant ce temps le drame palestinien lui n’attend pas et faiblit pas. Restons plus vigilants et mobilisés que jamais, continuons de défendre nos valeurs et restons hors des provocations si possibles.
Merci aux Volontaires Baptiste, Jérôme, Gaël Thibaud et Lalo pour leur travail dans cette journée et sur cet article.
Adam Mansour
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