« Vive la Commune » ! La Commune de Paris et son programme –
Le 18 mars 1871, il y a donc 144 ans, eut lieu à Paris un soulèvement de la population qui fut qualifié par les historiens d’insurrection, mais qui aurait été mieux défini par le terme de révolution. Pour saisir les origines de ce soulèvement populaire, il est important de commencer par resituer le contexte historique. La France sort tout juste du Second Empire, dirigé par Louis-Napoléon Bonaparte ou Napoléon III, et se trouve alors en pleine guerre avec la Prusse, menée par Otto von Bismarck. Suite à la capitulation de Napoléon III à Sedan, où il est fait prisonnier, le Second Empire est définitivement enterré, suite à la proclamation de la IIIe République à Paris, le 4 Septembre 1870. Le peuple s’organise alors autour des députés qui – pour certains – sont des ennemis de longue date, le soulèvement du 18 mars se plaçant dans la continuité des luttes ouvrières de Février et Juin 1848, qui avaient eu lieu sous la monarchie de Louis-Philippe, et Adolphe Thiers avait déjà su briller par sa capacité à mater la rébellion à cette occasion. C’est donc le contexte de guerre qui peut expliquer pourquoi le gouvernement de la Défense Nationale de Louis Jules Trochu contient des opportunistes de renommée tels que Jules Favre, dont la tête – ainsi que celle de Thiers – sera mise à prix plus tard par les Communards.

Suite à la défaite de Sedan, l’armée prussienne déferle sur la ville de Paris, qui sera assiégée du 17 septembre 1870 au 26 janvier 1871. C’est une période très douloureuse pour la population qui va connaitre des pénuries au niveau des denrées primaires, et vivre des situations de misère extrême, allant jusqu’à manger des rats pour survivre. Cela explique le rejet catégorique des parisiens de l’armistice qui sera signé avec la Prusse, le 28 janvier 1871, et qui aura pour eux un goût amer de trahison. En ajoutant à cela les humiliations de la part de Bismarck – qui n’osera tout de même pas fonder l’Allemagne à Paris, mais à Versailles – exigeant de la France des conditions de paix plus qu’intolérables, et avec qui les dirigeants semblent cependant s’enticher, on saisit effectivement le rejet grandissant à l’égard du gouvernement dit de la Défense Nationale. Selon la thèse de certains historiens, tels qu’Henri Guillemin par exemple, Adolphe Thiers aurait d’ailleurs fomenté avec Bismarck la cession des territoires français à la Prusse afin que celui-ci vienne pacifier – entendre par là massacrer – les populations parisiennes potentiellement révolutionnaires, celles-ci étant progressivement presque aussi hostiles envers le Second Empire qu’envers le gouvernement de la Défense Nationale. Il est utile de préciser que le peuple de Paris avait été armé au moment du siège de Paris, puisque pour assurer la défense de la ville on avait enrôlé dans la Garde Nationale, préalablement réservée uniquement aux plus nantis, quiconque le désirait, et on comprend qu’imaginer les armes dans les mains des plus démunis ait toujours effrayé les puissants de ce monde.
L’élection à l’Assemblée Nationale d’une majorité de députés à tendance monarchiste scinde encore plus l’écart entre les Parisiens, très républicains, et le gouvernement de la IIIe République. Celle-ci rendra la rupture officielle en déménageant à Versailles, ajoutant à la tension avec le peuple de Paris. Ce sera donc un effroi croissant pour le gouvernement de la Défense Nationale, qui sent gronder la colère populaire au fur et à mesure que les mois avancent, car à partir de la fin Janvier, c’est une série d’émeutes et d’insurrections qui vont se succéder, prenant comme point de départ la capitulation, vécue comme une nouvelle trahison, et une nouvelle humiliation. A ce moment là, le gouvernement ne sent qu’une seule issue, et c’est la répression, il va donc ordonner que les canons des parisiens leurs soient retirés dans la nuit du 17 au 18 Mars, et la population va s’éveiller au petit matin au son des soldats venus dérober leur artillerie, payée avec leur propre argent pour assurer la défense de Paris pendant le siège, et c’est ainsi que débutera cette journée atypique du 18 Mars où eut lieu une révolution sans que presque aucune goûte de sang ne coule, hormis celui des généraux Lecomte, qui dirigeait la prise des canons, et Clément Thomas, qui avait été un des fusilleurs des insurgés de Juin 1848.

C’est à Montmartre que la Garde Nationale va se placer entre les canons et les soldats venus pour s’en saisir, et c’est ainsi que dans une scène très romancée par la suite, les “femmes de Montmartre” vont venir s’interposer, fraterniser avec la troupe et empêcher un affrontement entre les soldats de Thiers et ceux de la Garde Nationale, ce qui sera toujours le souhait des parisiens tout le long de cette révolution. Cet épisode a été décrit de manière rigoureuse et détaillée par de nombreux écrivains*, et autres artistes, le film de Peter Watkins par exemple en narre le déroulement avec un réalisme très fidèle aux événements. Puis, l’Hôtel de Ville est pris par ceux qui seront qualifiés plus tard comme les insurgés, ce n’est ni plus ni moins que la population, qui dans un esprit festif reprend le pouvoir, alors que le gouvernement de la Défense Nationale, pris de panique, fuit Paris pour aller se réfugier aux côtés de l’Assemblée Nationale, à Versailles, persuadé de connaître le même sort que les traîtres sous la Terreur.

La Garde Nationale, après avoir repris le contrôle de la ville, le redonne immédiatement aux citoyens en organisant des élections le 26 Mars, c’est elles qui aboutiront à la formation du Conseil de la Commune, l’organe qui dirigera les réformes pendant les deux mois qui dureront. Celui-ci est formé de personnages plus ou moins célèbres : on peut citer Auguste Blanqui qui fut élu mais ne put jamais prendre ses fonctions, étant emprisonné à Versailles, mais des représentants de sa pensée seront présents en la personne de Émile Eudes, un employé élu dans le XIe arrondissement. On peut aussi citer des proches de Joseph Proudhon, Gustave Courbet, peintre élu dans le VIe arrondissement, en est un, mais Felix Pyat, journaliste élu dans le Xe arrondissement, en est membre aussi, alors qu’il s’était battu en duel avec Proudhon en 1848. Un autre anarchiste, membre de l’Association internationale des travailleurs, y siège aussi, c’est Gustave Lefrançais, un ex-instituteur élu dans le IVe arrondissement. On dénombre d’autres internationaux : Eugène Varlin, un ouvrier relieur élu dans 3 arrondissements, ou Arthur Arnould, journaliste, proudhonien, élu dans 2 arrondissements, ou encore Léo Fränkel, un ouvrier bijoutier élu dans le XIIIe arrondissement. On peut aussi citer Charles Delescluze, journaliste et défenseur de la pensée jacobine, élu dans 2 arrondissements. Il y a aussi au sein de ce Conseil des indépendants, tels que Gustave Flourens, enseignant élu dans le XXe arrondissement, ou encore Jules Vallès, journaliste, fondateur du Cri du Peuple et élu dans le XVe arrondissement. Parmi ces personnages, les idéologies divergent souvent, puisqu’on retrouve des blanquistes, des jacobins, des proudhoniens, des socialistes, des membres de l’Association internationale des travailleurs, et des indépendants. C’est sûrement cette diversité qui expliquera la multiplicité des projets de loi, ainsi que leur visée profondément révolutionnaire.

L’évocation de la Terreur faite plus haut, n’est pas anodine, puisque le souvenir de cette période va hanter les esprits et on ne se lassera pas d’évoquer le côté sanglant des Communards. Ils n’exécuteront pourtant qu’une centaine de prisonniers, contre 17.000 fusillés par les Versaillais, selon l’aveu de Mac-Mahon – Jacques Rougerie ainsi qu’Henri Guillemin estiment que ce nombre peut être doublé – et 36 309 individus arrêtés, dont 4 586 seront déportés en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, il est à noter qu’entre le recensement effectué en 1870, et celui effectué en 1872, c’est 161 290 personnes qui se sont soustraites à la population parisienne. En effet, au mois de Mai, deux mois après le début de l’insurrection, alors que Paris sera assiégée par les Versaillais, et bombardé sans cesse sur les dernières semaines, par l’artillerie de Thiers, la ligne de défense des Communards va vite être percée. Le baron Haussman, à la suite des soulèvements de 1830 et 1848 n’ayant pas réorganisé la ville de Paris avec de grandes avenues par souci d’esthétisme, mais par pur souci de stratégie militaire. Les troupes versaillaises vont donc aisément pénétrer dans la ville, s’ensuivra une période tristement célèbre par son nom, la Semaine Sanglante, où femmes, hommes, enfants et vieillards vont défendre sur les barricades les derniers arrondissements d’un Paris encore rouge du drapeau des Communards. Les combats s’achèveront avec une triste ironie aux alentours du Cimetière du Père-Lachaise, quoi que la question de la dernière barricade soit un sujet de désaccord pour les historiens. Cette période de l’Histoire de France, qui dura du 18 mars au 28 mai 1871 est appelée La Commune de Paris. Le nom n’a pas été choisi au hasard, le souvenir de la Commune insurrectionnelle du 10 août 1792 étant encore très présent dans l’inconscient des français.
Ceci n’est qu’un court résumé et il manque toutefois beaucoup d’éléments pour comprendre comment les événements se sont déroulés, et quelles en furent les causes profondes. Ceci n’est toutefois pas le sujet de l’article, puisque ce qui nous intéresse plus particulièrement, c’est le programme de la Commune, notamment les projets de lois qui ont été rédigés durant ces deux mois, ceux qui ont été abrogés, et leur pertinence encore à l’heure actuelle.
Il est important de noter avant tout, que le programme de la Commune n’est pas celui d’un groupe défini, à savoir qu’il n’est ni l’œuvre du Comité Central de la Garde Nationale, ni celui du Conseil de la Commune, ni celui des blanquistes, ou encore celui des proudhoniens, bien que leurs influences respectives soient certaines. Il ne peut pas non plus être défini par les deux mois où le peuple de Paris eut le contrôle de la ville, puisqu’il ne commence pas exactement au 18 mars ou au 26. On pourrait situer les origines du mouvement social de la Commune en remontant aux journées de Juin 1848, mais cela serait encore assez lointain sans être inexact, mais toutefois très vague. C’est avant tout le rejet du Second Empire qui définit le Communard, et par extension le parisien, puisque la majorité de la ville a voté non au plébiscite de mai 1870 organisé par Napoléon III pour le changement de la Constitution.
Paris ne sera pas la seule ville à voter non majoritairement, puisque Marseille, Lyon, Bordeaux et Toulouse aussi se prononceront dans ce sens. Ce qui explique d’ailleurs qu’il y ait eu deux Communes insurrectionnelles à Lyon, la première le 4 Septembre 1870, puis la deuxième dans la nuit du 22 au 23 Mars 1871. Il y en eut une autre à Marseille, proclamée le 22 mars 1871, ainsi qu’à Saint-Étienne, Narbonne, ou encore Toulouse. Toutes seront réprimées plus rapidement que celle de Paris, on voit toutefois que le rejet de l’Empire et du gouvernement Versaillais est partagé par plusieurs villes françaises, dont beaucoup proclamèrent leur Commune à la suite de celle de Paris. On ne peut donc pas non plus limiter le programme de la Commune à Paris, puisque ce mouvement va s’étendre, et être propagé dans d’autres régions de France, et par la suite, dans le reste du monde, on verra d’ailleurs apparaître, se revendiquant les héritiers la Commune de Paris, le 5 Février 1967, une Commune populaire de Shanghaï.
L’objectif déterminé par l’Association internationale des travailleurs, qui aura une influence majeure sur l’organisation de divers comités et syndicats s’étant organisés avant la proclamation de la Commune, est de tendre vers le “groupement des travailleurs et leur solidarisation” et pas la dictature de Paris sur les régions. Ce n’est donc pas le rejet de l’Empire qui fait d’eux des Républicains comme on le conçoit en 1793, et s’ils se donnent parfois les allures du Comité de salut public, en allant jusqu’à en reprendre le nom, ils n’en ont toutefois jamais eu ni les idéaux, à savoir la volonté de centralisation du gouvernement de la France, entamée sous l’Ancien Régime comme l’explique Alexis de Tocqueville, ni le goût prononcé pour la guillotine. La seule dont ils firent d’ailleurs usage fut celle qu’ils brûlèrent.
Le programme de la Commune, qui peut donc sembler, au premier abord, plus modéré que celui des jacobins, ne l’est pas du tout. On peut lire d’ailleurs, dans La Marseillaise, un journal de l’époque, dès 1869, des tirades bien plus radicales que ce à quoi nous sommes habitués par les journalistes de notre époque, en voici un exemple : “Pour être définitive, la révolution prochaine ne doit pas s’arrêter à un simple changement d’étiquette gouvernementale […]. La société ne peut plus laisser à l’arbitraire des privilégiés de la naissance ou de la réussite la disposition de la richesse publique : produit du travail collectif, elle ne peut être employée qu’au profit de la collectivité.”
Dès le 4 Septembre 1870, se sont organisés partout dans Paris des comités locaux, composés de républicains, de socialistes ou de radicaux. Ceux-ci se mettent à travailler, dans le but d’assister le gouvernement; l’objectif est la Défense Nationale, et c’est dans cet esprit que des “Mesures de sécurité publique” seront proclamées sur la première “affiche rouge”, proclamation du Comité Central Républicain de Défense Nationale des Vingt Arrondissements de Paris, dont font partie les suivantes : “Supprimer la police telle qu’elle était constituée, sous tous les gouvernements monarchiques, pour asservir les citoyens et non pour les défendre. La remettre tout entière entre les mains des municipalités élues.” Une autre mesure, qui séduira sans doute la plupart de ceux qui se sont sentis concernés par la liberté d’expression à partir de 2015 : “Abroger toutes les lois restrictives, répressives et fiscales contre le droit d’écrire, de parler, de se réunir et de s’associer.”
Paris est assiégé à partir du 17 Septembre 1870. De nombreuses publications paraissent au sujet de la défense de Paris, et peu à peu le rejet du gouvernement de Trochu commence à s’installer. La clairvoyance des parisiens en matière de stratégie leur impose de refuser de signer un armistice tant que l’armée Prussienne n’a pas été repoussée hors des frontières françaises. Une autre publication de l’Association internationale des travailleurs, vers la mi-novembre 1870, prend même une tournure prophétique, puisqu’au sujet de l’armistice à venir entre la France et la Prusse, il y est écrit : “Une paix honteuse, c’est dans un avenir prochain la guerre, guerre sauvage, guerre d’extermination pour l’une des deux races (française ou allemande, ndlr) […]. La paix ne peut se conclure qu’à la frontière! traitée en dehors de toute pression monarchique, elle réconciliera deux peuples, que des ambitions princières ont seules divisés.” On sait que par la suite, c’est une paix honteuse qui sera signée, et une guerre sauvage qui éclatera entre les deux nations, en 1914. En dehors des mesures de guerre proposées, on commence à apercevoir des propos plus révolutionnaires, qui seront largement développés par la suite à partir de l’insurrection du 18 mars, ainsi on peut lire : “Les travailleurs réclament […] le droit inaliénable et permanent de révocation de tous les mandataires par ceux-là seuls qui leur ont donné mandat.” Ils réclament aussi la “suppression du budget des cultes”, le programme de la Commune sera en effet profondément imprégné par l’anti-cléricalisme. En conclusion de ce texte, il est écrit “Nous voulons enfin, la TERRE AU PAYSAN qui la cultive, la MINE AU MINEUR qui l’exploite, l’USINE A L’OUVRIER qui la fait prospérer.” Le programme de la Commune est avant tout hostile aux accapareurs, aux exploiteurs, ceux que nous appelons désormais vulgairement les riches, les capitalistes, les bourgeois ou encore les 1%.

Au Comité de vigilance du Ier arrondissement, on débat le 20 octobre du mandat impératif, c’est-à-dire d’imposer ses volontés aux élus, ce qui est encore proscrit par la Constitution française du 4 octobre 1958, disposé dans l’article 27, et quoi que favorable à l’adoption du mandat impératif, Henri Maret déclare cependant : “Les bourgeois et les aristocrates de la démocratie n’accepteront pas le mandat impératif .”
L’idée est ambitieuse, imposer aux députés de respecter les volontés de leurs électeurs, leur imposer d’incarner les souhaits de leurs électeurs, n’est-ce pas là le fondement inaliénable d’une vraie démocratie représentative ? Les Communards vont plus loin, puisque c’est à la séance de la Fédération des bataillons de la Garde Nationale, du 3 mars 1871, que Varlin, acclamé par la foule à la fin de son discours, fait cette proposition : “Attendu que le droit de révoquer les chefs ou mandataires élus est un droit absolu, en République, pour les électeurs […], l’assemblée déclare qu’elle entend revendiquer le droit absolu de nommer tous ses chefs et de les révoquer dès qu’ils ont perdu la confiance de ceux qui les ont élus. Et pour affirmer par un acte cette revendication, elle décide que les chefs de tous grades devront être soumis immédiatement à une nouvelle réélection.” La proposition sera adoptée à l’unanimité. Le 10 mars, le citoyen Arnold définira l’essence de la Fédération ainsi : “Rien n’est moins dans nos idées que les luttes funestes et sanglantes des citoyens les uns contre les autres; nous tendons nos mains fraternelles à tous nos concitoyens, à tous les peuples qui sont aussi nos frères. Mais ayant reconquis encore une fois la liberté de disposer de nous-mêmes, nous entendons la conserver. Nous ne voulons plus d’aliénations, plus de monarchies, plus de ces exploiteurs ni oppresseurs de toutes sortes, qui, venant à considérer leurs semblables comme une propriété, les font servir à la satisfaction de leurs passions les plus criminelles.”
Puis, vient la journée du 18 Mars 1871, résumée avec brio par cette citation de Jacques Rougerie : “Que ce soit dans l’ordre ou le désordre, ceux des faubourgs, de la ceinture rouge, ceux qu’Haussmann et l’Empire avaient chassés, les envoyant «camper» hors la Ville, y refluaient maintenant en conquérants; dévalant du nord, de Montmartre, de Belleville derrière Eudes, des Batignolles derrière Varlin, du nord; et, les rejoignant ceux du sud, conduits par Duval ou Faltot, les «misérables» de La Glacière, de Montrouge ou Grenelle. La Ville venait de reconquérir la Ville, comme il l’était irrévocablement inscrit dans la trame même de sa récente histoire.”
Le Comité Central a repris la ville, il la rend au peuple immédiatement, dans une déclaration célèbre où seront prononcés ces mots, qui devraient servir d’exemple à tout corps armé : “Nous, chargés d’un mandat qui faisait peser sur nos têtes une terrible responsabilité, nous l’avons accompli sans hésitation, sans peur, et dès que nous voici arrivés au but, nous disons au peuple […]: Voici le mandat que tu nous as confié: là où notre intérêt personnel commencerait, notre devoir finit; fais ta volonté. Mon maître, tu t’es fait libre.”
Le pouvoir est dans les mains du peuple, et c’est alors que les discussions vont réellement commencer quant à l’organisation économique et sociale de Paris et sa périphérie, toutefois si l’on peut acclamer La Commune pour sa vision humaniste, sa tendance à la cohésion semble parfois inexistante. “Souvent ce sont ses adversaires qui comprennent le mieux, le plus vite, le sens d’une révolution.” écrit Jacques Rougerie à ce sujet.
Les élections vont être organisées afin de redonner le pouvoir au peuple, et suite à plusieurs ajournements, le vote aura lieu le 26 mars 1871. Le Comité Central, dans un nouveau texte célèbre, se refuse à soutenir un parti, ou un candidat, et déclare aux citoyens : “Notre mission est terminée; nous allons céder la place à vos nouveaux élus, à vos mandataires réguliers […]. Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant de votre propre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus […]. Défiez vous également des parleurs, incapables de passer à l’action […]. Évitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère. Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du Peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue. Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront (convoiteront, ndlr) pas vos suffrages; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à connaître leurs hommes, et non à ceux-ci à se présenter. Nous sommes convaincus que, si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèreront jamais comme vos maîtres.” Le Comité Central est donc loin d’être le parti bolchevik.

Comme les élus le sont au mandat impératif, de nombreux programmes vont être mis au point par les comités de citoyens, qui définiront avec plus d’exactitude les réformes que le peuple souhaite mettre en place, on peut citer quelques points du programme du XIVe arrondissement : “1. Acceptation par tous les mandataires du mandat impératif[…]. 4. Abolition de la prostitution sous toutes ses formes. 5. Remplacement immédiat des congrégations religieuses par des écoles libres d’instruction exclusivement laïque et nationale […]. 7. Instruction gratuite et obligatoire à tous les degrés et pour les deux sexes. 9. Suppression des armées permanentes.”
Le programme du XIe arrondissement, un bastion pour les Communards, est plus exhaustif : “La Révolution est la marche des peuples vers l’égalité des droits et des devoirs. La République démocratique et sociale est cette égalité réalisée. Tous les hommes doivent être solidaires. La loi doit être l’expression progressive du droit éternel. Le peuple doit affirmer le droit et la souveraineté qui résident en lui. La République étant le seul gouvernement politique où se puisse exercer cette souveraineté et ces droits, aucune majorité ne peut proclamer un autre gouvernement que celui de la République. S’il en était jamais autrement, ce serait le suicide même du peuple et l’esclavage des générations futures ainsi que l’anéantissement des droits naturels inaliénables et imprescriptibles qui sont sans entraves ni restrictions. 1° Le droit de vivre; 2° La liberté individuelle; 3° La liberté de conscience; 4° La liberté de réunion et d’association; 5° La liberté de la parole, de la presse et de tous les modes de manifestation de la pensée; 6° La liberté de suffrages […].”
Extraites toujours de ce programme, d’autres mesures prennent acte que : “Le travail collectif devra être organisé; le but de la vie étant le développement indéfini de notre être physique, intellectuel et moral, la propriété est et ne doit être que le droit de chacun à participer (en raison de sa coopération individuelle) au fruit collectif du travail de tous, qui forme la richesse sociale […].” Ou encore que : “Les fonctionnaires de la République doivent être responsables à tous les degrés et de tous leurs actes. Toutes fonctions publiques, nationales ou communales doivent être temporaires, électives et accessibles à tous, selon les aptitudes et capacités reconnues, constatées par examens […].”
Ce à quoi ils ajoutent que : “Tous les citoyens, sans distinction, se devant à la défense du territoire national, les armées permanentes seront supprimées.” Au temps de Jean Valjean, voilà le programme pour la Justice : “La Justice, devant être accessible à tous, sera gratuite […]. Le principe du jury sera appliqué à toutes les juridictions […]. Le système pénitentiaire devra avoir pour but l’amélioration du coupable.” Les citoyens du XIe statuent que : “L’éducation doit être sociale; l’instruction primaire laïque, obligatoire pour tous; l’instruction secondaire et spéciale sera donnée gratuitement aux citoyens et citoyennes après concours et examen selon les aptitudes. La liberté de conscience étant le droit naturel de tous et de chacun, chaque culte sera entièrement à la charge de ses adeptes, la séparation des Églises et de l’État doit être pleine et entière. La pratique extérieure de tout culte est interdite.”
Le témoignage de Arnould, se rendant à la mairie du IVe arrondissement sur invitation, l’avant-veille des élections, nous en apprend beaucoup sur les volontés des citoyens : “Citoyen, me dit le président, on discutait justement de votre candidature. Veuillez prendre la parole et nous dire comment vous remplirez votre mandat. Ennemi des professions de foi qui ne signifient rien […], partisan du mandat impératif, dans ce qu’il a de plus absolu, croyant que ce n’est pas au candidat d’exposer ses idées et de les faire accepter à ses électeurs, mais aux électeurs d’exposer leurs volontés et au candidat de voir si ces volontés concordent avec ses propres sentiments […], je déclarai que je priais l’assemblée de me poser des questions nettes et catégoriques auxquelles je n’eusse également à répondre qu’en des termes non moins nets et non moins catégoriques […]. Je pus ainsi constater combien ces citoyens avaient un programme défini, se tenant de toutes pièces […].”
Et voici leur programme : “Nous voulons l’autonomie absolue de la Commune de Paris. Nous voulons nous administrer nous-mêmes. Nous voulons que, dans l’enceinte de Paris, administration, justice, police, force armée, tout soit à nous. Nous voulons que tout ce qui touche les impôts, les cultes, l’instruction publique, l’organisation du travail, etc., soit réglé par nous en ce qui concerne Paris. Nous ne voulons pas nous séparer de la France. Nous accepterons les lois générales édictées par le gouvernement central, à condition que ce gouvernement soit républicain, dans tout ce qui ne portera pas atteinte à notre autonomie communale […]. Nous voulons, en un mot, être maîtres chez nous […]” En réponse à quoi Arnould écrit : “Ce programme si net, si radical […], qui remettait directement aux mains du peuple la gérance des intérêts du peuple […], je l’acceptai, je m’engageai à le soutenir, à le défendre jusqu’au bout.”
Il est maintenant intéressant de nous pencher sur les mesures réalisées durant les soixante-douze jours, de La Commune. On peut citer entre autres l’abolition du travail de nuit des ouvriers boulangers, ou encore l’interdiction des amendes et retenues sur les salaires ou traitements, ainsi que la réforme – très relative – du Mont-de-Piété. La réforme de la Justice, visant à la rendre gratuite et rendue par des jurys élues, n’aboutira pas, Eugène Protot, délégué à la commission de la Justice, n’aura pas le temps de la mettre en œuvre. La question éternelle de la Banque de France suggère aussi un portrait différent de celui du Communard paresseux, voleur, iconoclaste, pétroleur, dressé par la presse versaillaise, qu’elle n’a eu de cesse de grossir, déformer, et de propager. En effet, François Jourde, délégué aux finances, ne touche presque pas à l’argent de la Banque de France, et se contente d’avoir “le bonheur de dire que le billet de banque n’a pas été un seul instant déprécié sur le marché […].”

Au niveau de l’Instruction, on la rend alors laïque, on ouvre des écoles pour les filles, l’objectif à travers l’éducation, sociale, est la fin de la division entre manuels et intellectuels, comme expliqué par H. Bellenger : “Il faut que, dès son jeune âge, l’enfant passe alternativement de l’école à l’atelier, afin qu’il puisse, de bonne heure, gagner sa vie, en même temps qu’il développera son esprit par l’étude et la pensée. Il faut que le manieur d’outil puisse écrire un livre […] sans pour cela se croire obligé d’abandonner l’étau ou l’établi. Il faut que l’artisan se délasse de son travail journalier par la culture des arts, des lettres ou des sciences, sans cesser pour cela d’être un producteur […].” On peut certes y voir par anachronisme les prémices de la Révolution culturelle maoïste, toutefois sous la Commune ce n’est pas la politique qui emploie l’Art à ses fins, un exemple net de ceci est le “gouvernement du monde des arts par les artistes”, comité organisé et administré sous l’impulsion de Gustave Courbet, celui qui proposera, et mettra à exécution par la suite la destruction de la colonne Vendôme.
Quant aux visées iconoclastes des Communards, on peut lire à ce sujet la déclaration datée du 15 avril 1871, publiée dans le Journal officiel de la République française, qui définit les objectifs du comité ainsi : “La libre expansion de l’art, dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges […]. La conservation des trésors du passé. La mise en œuvre et en lumière de tous les éléments du présent. La régénération de l’avenir par l’enseignement […].” De plus, l’image du Communard qui serait un brigand est factuellement erronée, puisque sur les 36 309 personnes arrêtés, 79,5% n’avaient aucun antécédent judiciaire, et ceux qui avaient déjà été condamnés l’avaient été en grande partie pour des crimes contre les propriétés, l’ordre public, les mœurs, ou encore pour vagabondage.

Les femmes ont aussi un rôle important à jouer dans les décisions sous la Commune, sous l’impulsion de sa présidente, Elisabeth Dimitrieff, proche de Karl Marx, se forme l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés, dont le nom ne limitera pas les déclarations à ces seuls sujets, puisque sur la question du travail, celles-ci demandent à la commission de Travail et d’Échange de la Commune de réorganiser et distribuer le travail selon ces principes : “a) la diversité du travail dans chaque métier – la répétition continue du même mouvement manuel influant d’une manière funeste sur l’organisme et le cerveau; b) la diminution des heures de travail – l’exhaution (sic) des forces physiques amenant inévitablement l’extinction des facultés morales; c) l’anéantissement de toute concurrence entre travailleurs des deux sexes, leurs intérêts étant absolument identiques, et leur entente solidaire étant de rigueur pour le succès de la grève définitive et universelle du travail contre le capital […];” La Commission obtempéra aussi vite qu’elle le put à cette sommation, ayant d’ailleurs sérieusement réfléchi à plusieurs projets.
Mesure plus révolutionnaire encore, la saisie, la rénovation et l’utilisation, par les chambres syndicales ouvrières, des ateliers abandonnés avant le siège de Paris, ou au moment de la proclamation de la Commune. Au sujet de l’Économie et de la Finance, Auguste Serraillier, émissaire expédié de Londres auprès de la Commune par l’Association internationale, et par K. Marx, adresse ce texte au gouvernement communal, dans le journal du 16 avril de la Révolution politique et sociale : “Quelles que soient les idées reçues sur le capital, tout le monde est d’accord pour convenir qu’il représente une certaine somme de travail économisé, accumulé et destiné à un travail productif ultérieur. Mais nous le demandons, qui a fourni le travail représenté par le capital? Est-ce ceux qui le possèdent? Le manufacturier, le grand commerçant, le gros propriétaire doivent-ils ce capital à leurs économies, à leurs activités et à celles de leurs ancêtres? Évidemment non! […]” Et il ajoute cette question, que l’on pourrait toujours poser aux responsables politiques : “Comment se fait-il que, tandis que chaque jour augmente le capital dans des proportions effarantes, les salaires payés diminuent dans les mêmes proportions, et en soient arrivés à suffire à peine au plus strict entretien de la masse?”
Le programme de la Commune est égalitaire, il cherche à abolir les injustices sociales, pas uniquement à Paris, puisque sa vision est universaliste, et dans une adresse aux travailleurs des campagnes, c’est ainsi que la journaliste Léodile Champseix s’exprime : “Voilà près d’un siècle, paysan, pauvre journalier, qu’on te répète que la propriété est le fruit du travail, et tu le crois. Mais ouvre donc les yeux et regarde autour de toi […]. Te voilà vieux; tu as toujours travaillé; tous tes jours se sont passés, la bêche ou la faucille à la main, de l’aube à la nuit, et tu n’es pas riche cependant, et tu n’as même pas un morceau de pain pour ta vieillesse. […] Cela n’est pas juste, frère paysan: ne le sens-tu pas? […] Car s’il était vrai que la propriété est le fruit du travail, tu serais propriétaire, toi qui as tant travaillé. Tu possèderais cette petite maison, avec un jardin et un enclos, qui a été le rêve, le but, la passion de toute ta vie, mais qu’il t’a été impossible d’acquérir – ou que tu n’as acquise peut-être, malheureux, qu’en contractant une dette qui t’épuise, te ronge et va forcer tes enfants à vendre, aussitôt que tu seras mort, peut-être avant, ce toit qui t’a déjà tant coûté. Non, frère, le travail ne donne pas la propriété. Elle se transmet par hasard ou se gagne par la ruse. Les riches sont des oisifs, les travailleurs sont des pauvres – et restent pauvres […].”
On trouve aussi, parmi les revendications des citoyens dont on ne connait souvent que le nom de famille, des choses étranges, qui prêtent parfois à sourire, et qui sont parfois stupéfiantes de par leur incongruité. Les mesures exigées par les Communards sont très variées, c’est dans les clubs, vestige de la Révolution de 1789, que se formulent les exigences les plus farfelues, on peut par exemple extraire celle-ci d’une réunion du Club Ambroise, du 14 mai : “Citoyen Bouveron. Il faudrait que Thiers disparaisse à tout prix, celui qui le supprimera aura bien mérité du pays et de la République.” Le même jour : “Citoyen Israël demande que les jeunes gens du Commerce soient forcés à marcher. Les bureaux de la marine sont occupés par des jeunes gens qui n’ont d’autre besogne qu’à fumer des cigarettes.” Le 16 mai : “Le citoyen Roullier demande s’il est possible oui ou non d’incendier le bois de Boulogne. L’orateur s’étend sur la démolition de la colonne Vendôme et demande qu’à sa place il soit installé un pied d’estal sur les faces duquel on graverait 2 fois Bonaparte régna sur la France et 3 fois livrèrent Paris à l’invasion étrangère […].” Dans ces lieux d’échange et d’expression libre, la contradiction est possible, le 16 mai toujours : “le citoyen Baillehâche demande […] la suppression total de tous les journaux” tandis que le citoyen Lemaître lui répond qu’en “supprimant les journaux c’est tuer la liberté […].”
D’autres mesures, comme celle prise au Club de la Révolution le 9 mai, semblent elles gagner l’approbation de tous : “Le Citoyen Guillaume, dit Mouton. Accepté à l’unanimité. La mise à prix de la tête de Thiers et de Jules Favre, il propose de couvrir la somme proposée par souscription. En même temps, il envoie le montant d’une première souscription qui est de onze francs cinquante centimes.” Au Club Leu, le 6 mai, on peut lire à l’ordre du jour la proposition suivante : “Faut-il fusiller les riches, ou simplement leur faire rendre ce qu’ils ont volé au peuple ?”
Pour le mandat impératif, mais contre le suffrage universel, c’est sûrement ce qui marque profondément l’opposition du programme de la Commune à la IIIe République, et ce qui lui donne toute sa pertinence encore aujourd’hui, puisque c’est en grande partie de la IIIe République que découlent les principes et les institutions fondateurs de la Ve République. Ainsi à ce sujet, la Fédération disait : “La république étant le seul gouvernement de droit et de justice, ne peut être subordonnée au suffrage universel.” On pouvait d’ailleurs lire dès le 16 mars 1871, dans l’Ouvrier de l’avenir, des propos qui pourraient avoir été écrits dans la dernière décennie : “Le suffrage universel a été considéré par la génération qui s’éteint comme une panacée infaillible qui devait apporter un remède et guérir tous les maux politiques, redresser tous les torts, abattre toutes les tyrannies […]. Tout cela est peut-être vrai en théorie, mais en pratique, ce n’est plus qu’un tissu d’erreurs et d’illusions […]. Le suffrage universel n’est donc qu’une universelle absurdité […].”

Les mandataires, que l’on appellerait des représentants ou des députés aujourd’hui, ne sont que de “simples commis” pour le Prolétaire, il adresse d’ailleurs de sages conseils aux citoyens en ces termes, dans le numéro du 10 mai 1871, dans l’esprit du Discours de la servitude volontaire d’Étienne de La Boétie, et pourtant toujours très actuels : “Le peuple n’a pas à remercier ses mandataires d’avoir fait leur devoir; ils seraient criminels en ne le faisant pas; c’est une habitude fâcheuse d’aller leur rendre grâce pour avoir pris une mesure qu’ils auraient été coupables de ne pas édicter. N’oublions jamais que c’est la reconnaissance des peuples qui fait les tyrans. Un particulier peut en savoir gré à un autre du bien qu’il en reçoit; mais les délégués du peuple accomplissent un devoir et ne rendent pas de services. Ils sont tenus de soumettre leurs projets de décret à la sanction du peuple qui leur fait des injonctions et n’a pas à en recevoir.” Toujours extrait de l’Ouvrier de l’avenir, du 19 mars, cette devise pourrait être celle de tout journaliste ou écrivain de nos jours : “Ce que nous voulons? Nous voulons cesser d’engraisser ces satisfaits, ces sottes nullités, ces parasites, et c’est pour arriver à ce but que nous avons pris la plume […].”
Le Communard, c’est avant tout un citoyen parisien ordinaire, issu du peuple, le recensement des Versaillais sur les personnes arrêtées au terme de la Semaine Sanglante nous informe beaucoup sur le portait de l’insurgé, au sujet de l’âge : 1,4% ont moins de 16 ans; 11,5% de 16 à 20 ans; 54,7% de 20 à 40 ans; 31,2% de 40 à 60 ans; et 2,2% ont 60 années et plus. La situation familiale peut varier, 48,9% des personnes arrêtés sont célibataires, 33,6% sont mariés et ont des enfants, tandis que 11,5% sont mariés sans enfants, et 6,0% sont veufs. L’éducation des révoltés semble aussi déterminante, 11,0% des interpellés sont illettrés, 57,8% demi-illettrés, 29,1% savent lire et écrire, et seulement 2,1% ont bénéficié de l’instruction supérieure. Le mouvement est en grande majorité constitué d’ouvriers, 43,9% des personnes arrêtés le sont, notamment dans le fer, la pierre, le bois, le cuir, ou le livre; 11,2% sont des journaliers et 8,1% des employés. 27,8% d’entre eux seront condamnés, 8,9% déportés. C’est donc la base de la population qui forme le mouvement et les idées du programme de la Commune.

Nombreux sont les penseurs et les idéologues qui ont analysé les conséquences de la Commune, l’intérêt d’un tel évènement historique, et nombreux sont ceux qui s’en sont réclamés les héritiers. Si les allusions au parti bolchévik ou à la Révolution culturelle en Chine faites dans l’article servaient à contredire une assimilation de ces mouvements à la Commune, c’est avant tout parce que cette vision de l’Histoire, teintée d’anachronisme, incite à confondre les causes et les effets des évènements historiques; faire de la Commune le prototype de la révolution marxiste-léniniste est une imposture historique, d’ailleurs, la lecture de La Guerre civile en France de Marx nous renseigne sur le côté très critique de sa pensée à l’égard des mesures prises par les Communards, il déclare dès le début que la Commune est un projet prématuré, mené certes avec beaucoup de bonne volonté, mais avec trop peu de rigueur. Engels aura du mal à comprendre le manque d’autoritarisme des parisiens : “Le plus difficile à saisir est certainement le saint respect avec lequel on s’arrêta aux portes de la Banque de France […]. La Banque aux mains de la Commune, cela valait mieux que dix mille otages.”
N’est-il donc pas encore d’actualité – si l’on souhaite mettre en place une République démocratique, représentative – d’exiger des commis de la volonté générale, nos députés, de se soumettre au mandat impératif, afin qu’enfin soient prises en compte les volontés des citoyens, dans le processus de décision politique ? N’est-il pas responsable d’y ajouter la révocation immédiate de tous ceux qui violeraient les ordres de leurs électeurs, quant à la politique à appliquer une fois leurs fonctions prises, n’apparaît-il pas comme une mesure indispensable à l’instauration, ainsi qu’au maintien d’une vraie démocratie en France ? Ne semble-t-il pas encore légitime de se questionner sur le fondement des injustices sociales, et surtout comment les limiter, les réduire, et les éliminer, notamment en observant les problèmes qui se posaient à nos ancêtres, et en examinant rigoureusement les moyens qu’ils avaient trouvés pour tenter de les résoudre ?
Sans se positionner dans une approche aussi radicale de la politique que celle du Communard, il est évident que ces questions devraient être à l’esprit des citoyens soucieux de tirer les leçons de l’Histoire, et désireux de reprendre la maîtrise du pouvoir politique qui leur est dû, dans leur vie. Vive la Commune !
*Au sujet des écrivains il convient de noter que beaucoup d’entre eux seront fermement opposés et dénonceront le mouvement des parisiens par la suite, allant jusqu’à falsifier certains faits, dans le but de déformer l’image des Communards qui seront fustigés comme des criminels par certains des grands auteurs de la littérature française, témoignant là de la propagande à travers la violence des mots afin de justifier, voire même d’atténuer la violence des actes répressifs et liberticides, c’est d’ailleurs un sujet qui mériterait d’être traité plus amplement dans un prochain article.
Sources :
Jacques Rougerie – Paris Libre 1871 ; dont sont extraites la majorité des citations, pour son travail de collecte d’archives historiques sociologiques
Karl Marx – La Guerre civile en France ; pour son analyse de La Commune
Henri Guillemin – La Commune de Paris ; pour son talent de narrateur et d’historien engagé
Wikipedia.org ; pour les vérifications des noms de comités et de personnages
Arby
(4272)
“…Louis-Philippe dit Louis XVIII…”: non, il s’agit de 2 personnes différentes:
– louis18 est un frère de louis16 et a régné comme roi de france de 1815 à 1824 (sauf les 100 jours)
– Louis-Philippe, fils du régicide Philippe Egalité, a régné de 1830 à 1848 comme roi des français.
Grosse erreur de ma part en effet !
C’est corrigé, merci pour la vigilance ainsi que l’éclaircissement.
“Louis-Philippe dit Louis XVIII” ????
Ça commence bien.
Erreur corrigée, merci de l’avoir signalée !
Arby – ton erreur réparée, je te félicite de ton article, entre égaux : tu as 20 ans ? J’en ai 76!… mince différence d’entre citoyens du monde sachant que “La Commune n’est pas morte!”, et elle a 144 ans…
La citoyenne du monde Kristin Ross (américaine) vient d’être publiée par La Fabrique : “L’Imaginaire de la Commune”… REMARQUABLE !
Sympas