DossierEconomie

Du feu qui consume les peuples européens (3/6) : Italie et Espagne

Nous continuons notre “tour d’Europe de la crise”. Après la France, la Grèce et le Portugal évoqués dans les précédentes parties de ce dossier, Lisandro nous emmène cette fois en Italie et en Espagne, deux pays très sévèrement touchés par la crise. La photo ci-contre représente Alberto Casillas, patron du bar Le Padro à Madrid, qui est devenu un héros national le 25 septembre 2012 en protégeant des forces de Police les “Indignados”, des manifestants venus se réfugier dans son bar.

La situation en Italie

Une fois n’est pas coutume, je vous renvoie vers deux articles publiés récemment par le cercle des volontaires pour commencer à vous familiarisez avec l’actualité, en l’occurrence le blocage politique historique qui entoure les élections italiennes. Voici l’introduction de l’article de Maurice, Beppe Grillo, le comique-politique qui ne fait pas rire les mondialistes, qui résume bien cette situation de blocage : « La victoire « morale » lors des élections législatives italiennes du 24 et 25 février du mouvement anti-système Cinque Stelle (M5S) conduit par l’ex-humoriste Beppe Grillo, a résonné comme un coup de tonnerre dans une Europe en pleine crise de légitimité. Outre l’énorme virage eurosceptique pris par l’Italie au cours de ces élections, c’est bien un refus net du mondialisme financier à marche forcée, imposé par une caste de technocrates illégitimes, qui s’est cristallisé autour de la personne de Beppe Grillo. »

Le deuxième article, À Rome les urnes, par la grâce de Jupiter, ressuscitent le socialisme national italien, rédigé par le camarade Volontaire Laid Seraghni, démontre que le sentiment eurosceptique est en train de gagner du terrain en Italie :

Beppe, de son vrai nom Giuseppe Piero Grillo un inconnu populiste italien, fait la « une » des journaux en Europe en donnant à son Mouvement cinq étoiles ( M5S) aux dernières élections législatives italiennes 108 sièges à la Chambre des députés et 54 au Sénat. Ce blogueur, humoriste et acteur devance l’ex-commissaire européen Mario Monti en recueillant près de 26,5% des suffrages et devient ainsi le premier parti en Italie (les coalitions Bersani et Berlusconi comptant chacune 4 ou 5 partis).

Ce nouveau paysage politique met l’Italie devant un « imbroglio exécutif » posant ainsi la problématique de la gouvernabilité de la péninsule. Aucune majorité véritable n’est sortie des urnes avec pour corollaire une plausible instabilité gouvernementale de plus en plus menaçante pour l’avenir du pays.

Effectivement, si l’on additionne l’ensemble des suffrages collectés par les partis, soit tous les partis exceptés celui de Mario Monti, on obtiens pas moins de 75% des votes ! Bien que les italiens n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une majorité parlementaire et sénatoriale à mettre à disposition de Mario Monti (non-élu rappelons-le…) from Goldman Sachs, il est certains que le peuple italien a décidé de sanctionner et de rejeter la politique de l’union européenne et tous les plans de rigueurs foireux qui vont avec.

Répartition des députés ,en pourcentage, à la chambre des députés suites aux élections italiennes de fin février 2013.

Un peu plus loin dans l’article :

Les marchés financiers frissonnent dans toute la zone euro car Grillo envisage un référendum pour la sortie de la zone euro. L’instabilité politique de la troisième puissance économique européenne pourrait enfoncer encore l’UE dans la crise financière.

Le témoignage recueilli par une italienne, fraîchement arrivée en France, originaire de Florence où elle a vécu 20 ans, vient contraster ces analyses :

Je n’ai pas l’impression que les italiens veuille réellement sortir de l’Euro. Certains sondages annoncent que 70% des italiens veuillent rester dans l’UE et dans l’euro. En Italie, à mon avis, on accuse souvent l’euro et l’UE car on ne veut pas attirer l’attention sur les véritables problèmes du pays.

La dernière conférence de Pierre Hillard au sujet de l’Europe (bientôt disponible sur notre site) vient porter un coup de grâce définitif à l’agitateur Beppe Grillo. Je ne rentrerais pas dans les détails, la conférence le fera bien mieux que moi, mais le spécialiste du mondialisme nous a apporté, sous nos yeux ébahis, les preuves que Beppe Grillo n’est rien d’autre qu’un énième agitateur à la Mélanchon, de par ses accointances avec le pouvoir politique et avec un certain… Mario Monti ! Ah la bonne blague !

Quoi qu’il en soit, Beppe Grillo semble déranger le paysage médiatico-politique européen, mais la réalité reste toujours inchangée : un chômage en constante hausse, à 11,2% à l’heure ou nous écrivons, une économie plus que sur le fil. Cette situation légitimise certaines questions autrefois tabous. N’en déplaisent à certains, la question de la sortie de l’Italie de l’UE est même soulevée…

 

La situation en Espagne

En guise d’introduction, je vous conseille la lecture de notre précédent article sur la crise espagnole. En Espagne, depuis voilà quelques dizaines de mois, ce sont les mêmes images qui défilent inlassablement sur nos écrans : un pays qui vole de plan de rigueur en plan de rigueur toujours plus suffocants les uns que les autres. Le résultat pour mars 2013 fait froid dans le dos : grandes manifestations régulières dans plus de 80 villes du pays, coupes budgétaires à la tronçonneuse et que dire pour ceux d’entre nous qui avons la lucidité de reconnaitre que cette situation pourrait-être prochainement la notre ?

Comme si cela ne suffisait pas, il semblerait, selon les informations du site Atlantico, que la situation des banques espagnols seraient bien pire que ce que l’on nous aurait annoncé jusqu’à présent

” Selon le Financial Times, Bankia, qui va publier ses résultats annuels fin février, devrait afficher une perte record de 19 milliards d’euros. Ses difficultés financières, avaient poussé l’État espagnol à demander une aide européenne pour ses banques.”

L’information vient de tomber, la banque Bankia ne vaut plus rien ! à l’image de son action : ramener à la valeur symbolique de 0,01€ … Malgré l’aide de 10,7 Milliards d’Euro apporté à la banque, il ne fait plus aucun doute que l’économie espagnole a atteint un point de non-retour ! Pour plus de détails sur ce dossier, voir cet article d’agoravox mais aussi celui-ci, excellent, qui explique que L’Espagne aurait déjà remboursé 3 fois sa dette !!

Des manifestants, le visage dissimulé sous des sacs aux couleurs de l’Europe, scandaient “Pour une Europe des peuples, contre une Union européenne des marchés”, lors d’une conférence de presse des membres de la Plateforme des victimes de l’hypothèque (PAH) devant le Parlement espagnol à Madrid. REUTERS/Susana Vera. Source : Euronews

La situation est tellement critique à tous les étages de la société que les généraux espagnols ont menacé leur gouvernement d’un coup d’état !! Vous ne rêvez pas.

Toutes ces informations sont disponibles sur la toile, à la portée de tous. Nous avons profité de l’écriture de cet article pour enquêter sur le quotidien des espagnols, et bien heureux de voir qu’ils s’organisent, en marge de ce système économique (cf : Voir “Zoom sur la catalogne” Dernier paragraphe de mon article sur l’Espagne), puisque les exemples de potagers alternatifs ne cessent de croître.

Le témoignage de Marie (merci à elle pour sa collaboration !!), Volontaire habitant en Espagne, vient confirmer ce constat :

« Il n’existe pas vraiment d’Espagne et chaque région possède son autonomie (reconnue ou non) le sentiment nationaliste ici n’a rien à voir avec le chauvinisme français. (…) Pour ce qui est de l’euroscepticisme, les espagnols ne sont pas spécialement septique, c’est plutôt qu’ils n’ont jamais cru en l’Europe. Il règne ici un certain sentiment, que l’on pourrait d’abord identifier comme fataliste mais qui, à y regarder de plus près, se révèle être d’une profonde méfiance vis à vis du pouvoir et d’une culture du « buscate la vida » en gros le système « D ».

Peut-être s’agit-il aussi d’un style de vie, d’une mentalité tout à fait propre à certains pays méditerranéens et latins ?

« Dans les manifs ici on comprend que la majorité du peuple pense que tout ceci est une arnaque, un hold-up, on entend beaucoup deux slogans « no es una crisis, es una estafa » (traduction : “Ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie”) ou « manos arriba, eso es un atraco » (traduction : Main en l’air, ceci est une agression”). »

Et en réponse à ces manifestations légitimes, sans doute acculé sous les arguments, la police ne trouve pas mieux que de « tirer sur les manifestants avec des flash-ball, à Madrid mais à Barcelone aussi (voir l’histoire d’Ester Quintana qui a perdu son œil, et de son collectif de soutien ) (…) La situation est critique, certes, mais elle génère une énergie créatrice incroyable et des initiatives inattendues »

Cet élan de solidarité et d’autonomie est en train de se consolider.

« Par exemple,  le « café pendiente », une initiative qui a vu le jour à Naples et qui a gagné l’Espagne, où les napolitains trouvaient insupportable l’idée qu’un concitoyen ne puisse pas se payer un café. Le procédé est simple, deux personnes vont, chacune, boire un café (qui coûte 0,80 centimes là-bas !),nous devrions en payer 2, mais au lieux de ça nous en payons 4. Ce qui veut dire qu’il reste donc 2 cafés « pendientes ». La journée passe et entre dans le café une personne qui ne peut pas se le payer, elle demandera s’il reste un « café pendiente »… ainsi de suite, cette initiative peut se décliner avec un sandwich ou même un menu. C’est une goutte d’eau dans la mer et cela ne calmera pas les marchés financiers mais c’est une nouvelle qui fait chaud au cœur non ? )  »

Informations de dernières minutes en provenance de notre correspondante en Espagne, que j’incorpore à l’article pour vous faire parvenir d’autres initiatives qui permettront, je l’espère, aux espagnols de contourner la crise.

Initiative et coopération catalane

Guidés par des concepts telles que l’autonomie, le développement (tant personnel que collectif) et l’autogestion locale, plusieurs centaines de catalans ont créé un réseau social en plein cœur de Barcelone.

Santé publique, éducation libre et communautaire, entrepreneuriat collectif, ils disposent même de leur propre monnaie. N’importe quel citoyen peut s’associer à la RED (système de réseau d’entraide catalan) et proposer une activité, celle-ci sera rétribuée et permettra de profiter des services.

Salaire minimum

Autre initiative catalane, un pétition est en cours pour demander un salaire mensuel minimum de 664 euros, l’objectif, à l’image du RSA, est de garantir le minimum vital à tous les catalans. Ils ont besoin de 500 000 signatures pour que le projet soit étudié.

Garder le moral

Des associations comme LaFinka Barcelona, fondée par des sans-abris, distribuent régulièrement des repas et des habits mais organisent aussi des activités culturelles ludiques et gratuites : concerts, expo, débats et se vante d’organiser les meilleures fêtes électro de la ville. Toujours dans la bonne humeur et le respect de l’autre.

Nous terminerons notre évocation de l’Espagne sur cette note humaniste, laissant croire que, peut-être, les espagnols finiront par échapper à la crise, soit par la force de son armée qui bouterait les banksters hors du pays (vision qui serait quelque peu jouissive, avouons-le !), soit par des activités autonomes à échelle plus modeste, aidées par des réseaux d’entre-aide : en Andalousie et dans d’autres régions aussi, cela semble se profiler (voir le village Marinaleda). Voilà longtemps que les espagnols s’organisent…

Rendez-vous au prochain numéro, avec l’étude du cas de l’Angleterre et de l’Islande.

(189)

3 réflexions sur “Du feu qui consume les peuples européens (3/6) : Italie et Espagne

  • “le socialisme national italien”… Ca sonne piquant, je doute qu’il faille se réjouir trop vite de ce genre de courants politiques…

    Malheureusement, le M5S ressemble bien à ça. Critique du “système” affichée, insistance sur la morale, pas de remise en question de la dette, hostilité notoire aux organisations de travailleurs (syndicats ou partis).

    Méfions nous des faux amis!

    Répondre
    • Lisandro Dias

      Nous sommes entièrement d’accord !

      Et pourtant certain d’entre nous y ont cru (de bonne foi), comme quoi, il nous faut être très vigilant !!

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Why ask?